Comment s’attaquer au problème du gaspillage alimentaire ? En faisant prendre conscience aux foyers du poids économique et environnemental des aliments qu’ils jettent. A Creil et Nogent-sur-Oise, 52 foyers-témoins ont joué le jeu pendant 20 jours. Retour sur cette opération pilotée par l’association d’éducation à l’environnement En Savoir Plus.
Selon une étude de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture), 30% de la production alimentaire mondiale est gaspillée, perdue ou jetée entre le champ et l’assiette. C’est pourquoi le gaspillage alimentaire est devenu en quelques années une problématique majeure pour les territoires. Ainsi, les territoires « Zéro Déchet Zéro Gaspillage », avec leur panoplie d’actions pour réduire les quantités de déchets ménagers et assimilés, se multiplient : 16 territoires en Hauts-de-France en janvier 2017.
A tout problème global existerait-il une solution locale ? C’est au moins l’ambition de l’ADEME des Hauts-de-France, les antennes locales d’UFC-Que Choisir et CLCV, les porteurs de projet qui ont missionné l’association En Savoir Plus.
Acteur associatif de l’éducation à l’environnement et au développement durable, En Savoir Plus n’en est pas à son premier coup. Depuis 25 ans, l’association accompagne les scolaires et le grand public aux bonnes pratiques du développement durable par le biais d’actions d’animation, d’accompagnement et de formation. Leur valeur ajoutée ? Des interventions professionnelles qui s’appuient sur différentes pédagogies centrées sur l’expérimentation par la personne pour aborder le développement durable de façon très concrète.
Un commando anti-gaspi de 52 familles
52 foyers-témoins volontaires ont été recrutés en octobre 2015 avec l’aide des associations de consommateurs CLCV et UFC Que Choisir, des mairies de Creil et de Nogent-sur-Oise, via leurs CCAS, et du bailleur social Oise Habitat. Le public cible choisi était celui d’une population en précarité économique et alimentaire dont le taux de gaspillage alimentaire serait élevé, selon les constats établis par les organismes sociaux tels que les CCAS.
« Dans ce cas, le rapport entre le budget du foyer et le montant du gaspillage est encore plus difficilement acceptable, indique Clotilde Jamet, chargée de mission de l’opération au sein d’En Savoir Plus. Une telle opération de sensibilisation permet à la fois de visualiser l’impact environnemental de nos déchets tout en faisant prendre conscience des économies financières possibles plus notables encore sur un petit budget. »
L’opération s’est étalée sur six mois, entre la phase de recrutement, la réalisation de l’action effectuée sur deux périodes distinctes de 10 jours chacune. L’analyse des données recueillies a nécessité quelques semaines supplémentaires avant la restitution du bilan aux foyers-témoins et aux partenaires, en mars 2016.
Analyse de l’action
Une 1ère réunion avec l’ensemble des partenaires de l’opération s’est tenue en septembre 2015. Ordre du jour ? Définir les attentes de chacun vis-à-vis du projet, organiser la sensibilisation et mobilisation des foyers-témoins et mettre en place les ateliers pratiques à leur proposer. Un mois plus tard, en octobre, En Savoir Plus organise trois réunions en une journée avec trois créneaux horaires différents - matin, après midi et soir – pour toucher un maximum de personnes, expliquer la démarche à suivre et constituer un commando de 52 familles.
Suivi et accompagnement
Des outils de pesée (seau et peson ou poubelle et balance), une grille des pesées à compléter et un mémo pour connaître les déchets à prendre en compte leur ont été remis aux participants. Ces derniers sont également invités à faire sur place un test de manipulation et d’utilisation du peson avec des vrais déchets alimentaires et à faire un report des données sur la grille de pesées. « Cette dynamique d’accompagnement, de faire avec les personnes, est une étape clé pour la réussite de l’opération, précise Clotilde Jamet. Le public était aussi constitué de personnes non francophones qu’il fallait notamment rassurer sur leurs capacités à savoir reporter les résultats de leurs pesées sur la grille. »
Une « question de bon sens »
La rencontre permet aussi les échanges entre les participants et l’enrichissement des points de vue en fonction des modes de vie, des âges et des cultures. Constat : la gestion des déchets est différente en quantité et en contenu si le foyer vit en appartement ou en maison avec jardin et potager. De même, les générations d’après guerre observent que les conseils prodigués par l’association font déjà partie de leurs habitudes de vie, « question de bon sens » soulignent-elles. Les générations de la société de (sur)consommation, quant à elles, découvrent la plupart du temps ces gestes anti-gaspi.
« C’est à partir de ces différences de contexte et de vécu des gens que nous avons analysé les résultats, déclare la chargée de mission. Bien connaître les personnes composant les foyers permet d’identifier le niveau d’où ils vont démarrer l’opération et de fixer un objectif personnalisé, sachant que les foyers n’avaient pas d’obligation de résultats mais nous, une obligation de moyens pour les accompagner et les valoriser dans cette nouvelle démarche ».
Pesées quotidiennes
Bien informés et outillés, les participants sont repartis chez eux. Leur mission ?
- 1ère étape : sans changer leurs habitudes, peser leurs déchets biodégradables alimentaires hors emballage et noter le résultat de leur pesée quotidienne sur la grille des pesées, pendant une période de dix jours.
- 2ème étape : même action sur la même durée mais en appliquant cette fois les astuces et les conseils anti-gaspillage qui leur ont été communiqués en réunion et en mémo sur fiches techniques.
- 3ème étape : les résultats sont collectés, classés et analysés par la chargée de mission en charge du projet.
- 4ème et dernière étape : remise des résultats et remerciements aux participants et aux partenaires lors d’une visite proposée par le Syndicat Mixte de la Vallée de l’Oise au centre de valorisation des déchets.
Résultats de l’action
« 27 foyers sur les 52 initiaux sont allés au bout de la démarche, soit un peu plus de 50%.
Ce chiffre est satisfaisant compte tenu des contraintes imposées – notation des pesées quotidiennes - lorsque le quotidien des foyers est déjà économiquement compliqué et que la maîtrise de la langue n’est pas totale pour certains », explique Clotilde Jamet. 2/3 des 27 foyers ont réduit leur gaspillage alimentaire et 8 sur les 27 l’ont réduit de moitié. Les pesées ont été réalisées de façon à connaître le poids jeté par assiette, c’est à dire par personne et par repas. Le gaspillage a pu être réduit jusqu’à 70 g/assiette, à multiplier par le nombre de personnes et de repas par jour. L’expérience a même permis de constater une réduction du gaspillage jusque 72% dans un foyer ! Des différences ont également été relevées entre les deux périodes et en fonction des foyers ayant ou non un potager générant de nombreux déchets organiques en fin de saison de récolte.
Marges de progression
8 foyers ont fait part des astuces qu’ils avaient mises en place pour réduire la quantité de déchets biodégradables.
Les détails de ces résultats sont consultables sur la fiche Optiged en ligne sur le site de l’ADEME.
La démarche de sensibilisation a porté ses fruits auprès des foyers témoins qui ont pris conscience des enjeux économiques et environnementaux liés à un comportement « anti-gaspi ». « Nous nous sommes également rendus compte que quelque soit le niveau d’implication des personnes, chacun dispose d’une vraie marge de progression », déclare Clotilde Jamet. L’accompagnement et le travail sur le terrain des référents locaux ont été des vecteurs puissants de mobilisation et de suivi des foyers, soit pour résoudre une difficulté, soit pour partager les pratiques, les astuces, les recettes. « Certains foyers ont détaillé le contenu de chaque pesée ce qui s’est avéré être très intéressant au moment de l’analyse des pesées, et nous envisageons de le demander lors des futures opérations ».
Au final, un document de communication présentant quelques résultats quantitatifs et des astuces anti-gaspi a vu le jour. Pendant ce temps, les foyers-témoins se félicitent encore de pouvoir désormais vider des poubelles plus légères…
Ce qu’il faut retenir
« Quelque soit le niveau d’implication des personnes, chacun dispose d’une marge de progression. »
Fiche d’identité
Titre de l’opération : “Opération foyers témoins sur le gaspillage alimentaire en Picardie”
Lieu/Echelle de l’action : Deux communes de la Communauté d’agglomération du Creillois, Creil et Nogent-sur-Oise
Structures porteuses : Les associations de consommateurs CLVC et UFC Que Choisir, En Savoir Plus
Contact : Association En Savoir Plus, Clotilde Jamet, chargée de mission, 52 rue du Vivier 80 000 AMIENS
Tél : 03 22 47 17 77 Mail : clotilde.jamet@ensavoirplus.asso.fr
Partenaires : CCAS de Creil et Nogent, Syndicat Mixte de Valorisation Organique, Oise Habitat, ADEME
Montant de l’opération : 11 690 € correspondant à 32 journées de travail et aux frais d’acquisition du matériel (balances, pesons, seaux, denrées alimentaires)
Indicateurs de moyens et de résultats : 2/3 des foyers ont réduit le gaspillage alimentaire de moitié
Date de l’opération : octobre 2015 – mars 2016
Bénéficiaires/cibles de l’action : 52 foyers participants à l’action
Pour aller plus loin :
Fiche OPTIGEDE Opération Foyers Témoins Gaspillage Alimentaire
Format : PDF Poids : 774,32 ko
- 12. Consommation et production responsables
- 17. Partenariats pour la réalisation des objectifs
Objectifs de développement durable
Sur le terrain
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