Pour gérer au mieux les crues du Thérain (Oise), le syndicat des intercommunalités de la vallée du Thérain lui a rendu ses méandres, sa faune et sa flore, ses marais et autres zones d'expansion. Une vision systémique des enjeux, bien plus efficace et bien moins coûteuse que le béton !
Des rivières qui débordent de leur lit et envahissent brutalement les rues, les constructions... Ces événements, bien que liés à des phénomènes naturels, peuvent être atténués. Une démarche d’autant plus nécessaire qu’en raison du changement climatique, la fréquence des pluies intenses tend à augmenter.
Il y a quelques années encore, les solutions appliquées pour éviter ces situations dramatiques se résumaient à curer les rivières et à construire des bassins de stockage, sortes de grands réservoirs pouvant absorber les arrivées massives d'eau. Mais pour un coût exorbitant de plusieurs millions d'euros ! Et un résultat peu satisfaisant.
Le syndicat intercommunal de la vallée du Thérain (SIVT) a été le premier à mettre en œuvre une idée, novatrice en 2010 : et si, au lieu de créer des ouvrages, on redonnait à la rivière son fonctionnement naturel ? Au cours des années, pensant apporter des solutions, l'Homme a recalibré les cours d'eau, et déconnecté, parfois sans le vouloir, certains marais, prairies, bois, qui constituent les zones naturelles d'expansion des crues...
Des années 1960 à 2000, déplacer le problème…
Petit retour en arrière : en 1962, 22 communes du département de l'Oise traversées par la rivière Le Thérain, se regroupent au sein du SIVT dans l'objectif de gérer les problématiques d'inondations récurrentes. « Il y avait un réel manque d'entretien du cours d'eau », explique Denis Collinet, directeur du SIVT. Jusqu'en 2000, la maîtrise d'ouvrage délègue la réalisation des travaux aux services de l'État. « Ils ont réalisé de nombreux curages, pour envoyer l’eau le plus vite possible vers l'aval, détaille-t-il. Les sédiments curés étaient simplement déposés sur le bord, formant des merlons (sortes de talus) qui empêchaient l'eau de déborder. À certains endroits, des fossés ont été bouchés. Là où la rivière formait de grands méandres, des chenaux rectilignes ont été construits pour que l'eau coule le plus vite possible... ». Mais ce faisant le problème a été déplacé, voire aggravé : lors de grosses crues, les débordements étaient plus importants en aval, et avaient lieu là où se concentrent les zones urbanisées.
Il fallait donc trouver d'autres solutions ! Celle de construire des grands bassins artificiels, avec des vannes, sur différentes communes a été abandonnée : trop coûteuse (plusieurs millions d'euros). Elle aurait de plus entraîné une mauvaise répartition de l'eau sur le secteur.
Défaire et refaire...
C'est en 2010 que l'idée germe chez le technicien de rivière, Hugues Liegeois, recruté une dizaine d’années plus tôt pour gérer les campagnes d'entretien. Ses observations sur le terrain lui ont permis de constater « que la vallée ne fonctionnait pas normalement, commente Denis Collinet, et que l'on héritait de problèmes créés par l'humain ». Et pourquoi ne pas défaire ce que l'homme avait fait, ralentir le débit lors des crues, répartir l'eau tout le long de sorte qu'elle s'étale dans les zones naturelles au lieu de s'engouffrer dans la vallée ?
Le directeur du SIVT raconte : « Nous avons pointé tout ce que nous avions identifié, nous avons modélisé notre projet, il nous fallait notamment démontrer qu'on n'allait pas aggraver les choses, au contraire ! ». L'étude a été lancée en 2013, avec le soutien financier de l'Agence de l'eau Seine-Normandie, l'Entente Oise Aisne et le Conseil départemental de l'Oise.
Solidarité intercommunale
L'autorisation leur est donnée en 2016. « Nous avons réalisé un gros travail de terrain, auprès des propriétaires concerné·es, des communes comme des particuliers. Bottes aux pieds, nous avons montré à chacun ce que nous allions faire, comment les choses allaient se passer en cas de crues. Nous avons obtenu 99 % d'autorisations ! » Les terrains bordant la rivière sont essentiellement des bois, des plans d'eau, des prés de pâturage, des zones de loisirs...
Le projet était de redonner à la rivière, sur ses 50 derniers kilomètres, son champ d'expansion naturel, en arasant les buttes de sédiment présentes sur les berges, en rouvrant les fossés qui avaient été bouchés, afin de permettre que les marais se remettent en eau. Les anciens, d'ailleurs, se rappelaient qu'enfants, ils y voyaient des canards !
Une véritable solidarité intercommunale se met alors en œuvre : dès l'amont, chacun garde de l'eau, au lieu de tout envoyer plus bas chez le voisin ! En 2018, plusieurs épisodes de crues ont lieu. Les propriétaires pouvaient craindre les conséquences sur leur terrain, puisque les berges avaient été arasées: « Les plus impactés ont eu 10 à 15 jours d'inondation sur toute l'année, ils ont vu que ce que l'on avait dit était vrai ! », se félicite le directeur du SIVT. L'orage dantesque du 21 juin 2021 aurait pu avoir des conséquences bien pires que ce qui s'est passé. Sur les communes en aval de Beauvais, « toutes les zones d’expansion des crues (ZEC) restaurées se sont mises en charge une à une et ont stocké l'eau au fur et à mesure, il n'y a pas eu de débordement du Thérain sur les zones construites sur ce secteur. La zone de Montataire, dernière ZEC la plus en aval du bassin, et la plus touchée jusqu'en 2000, était sèche... Cela montre bien l’efficacité de ce programme d’actions pour se protéger ! »
En 2018, plus de 500 000 m3 d'eau ont été stockés par les zones humides de la vallée du Thérain, sur plus de 200 hectares (ha) de marais, bois et prairies, avant d'être restitués progressivement au milieu, sans aucun dégât matériel, ni humain.
Les plantes et les animaux reviennent !
Les travaux se révèlent peu coûteux. Le budget total s’élève à 218 626 euros subventionnés à 80% par l'Agence de l'eau Seine-Normandie (le reste pris en charge par le SIVT). « On s'appuie sur la nature, se félicite Denis Collinet, il y a très peu d'entretien par rapport à des ouvrages artificiels, juste un peu de reprise de végétation dans les fossés ». Dans ce cas, il se peut que se soient les propriétaires qui entretiennent.
Cerise sur le gâteau, des changements apparaissent sur le plan écologique. « Les marais sont plus tourbeux, certaines plantes typiques des zones humides apparaissent, de nombreux sites ont été le lieu de ponte pour les amphibiens, certains endroits ont été fréquentés par des brochets... Nous savons que les espèces piscicoles vont trouver de meilleurs espaces de vie, des zones de fraie (zone de reproduction des poissons) ». Les marais ont également servi de refuge aux canards pour leur reproduction. Autre effet positif : l'eau répandue sur les prairies s'infiltre jusqu'aux nappes phréatiques, ce qui n'est pas le cas évidemment lorsqu'elle est canalisée en aval de la rivière.
Prendre le temps d'essaimer les bonnes pratiques
Cette façon de faire est-elle applicable partout ? Le directeur du SIVT explique que depuis 2020, le syndicat gère un bassin versant de 175 communes, et travaille donc de la source à la confluence du Thérain avec la rivière Oise. « Nous nous adaptons. Par exemple, l'Avelon, qui prend sa source dans l’Oise à la limite du département de la Seine-Maritime, a un fond très argileux ; nous allons apporter des cailloux sur différentes épaisseurs, pour stopper l’incision du lit. Non seulement en réhaussant le fond, la rivière pourra déborder sur les côtés, mais la faune et la flore se développeront. » Pas de création de plans d'eau, on se sert de ce qui existe pour stocker l'eau de façon temporaire et naturelle. « Nos réussites précédentes sont notre vitrine, assure Denis Collinet. Nous travaillons surtout sur des secteurs très verts, la majorité de nos interlocuteur·ices sont des agriculteur·ices. Nous prenons le temps de leur expliquer, une après-midi complète s'il le faut. L'important, c'est qu'il·elles aient compris, s'approprient le projet, et sachent vers qui se tourner si besoin. »
Le SIVT a été pionnier en la matière. Depuis, cette manière d’appréhender les rivières et de reconnecter les zones d'expansion des crues est adoptée partout en France...
En quoi cette initiative est bonne pour l’adaptation au changement climatique ?
Elle permettra de limiter les effets des alternances de sécheresses et d'épisodes orageux liés au changement climatique, tout en protégeant notamment les biens et les personnes en zones urbanisées. Elle redonne aussi vie à la faune et à la flore, permet à la rivière de redessiner peu à peu son lit originel, enrichit considérablement les écosystèmes, diversifie les habitats. Et ce pour le bénéfice de toutes et tous.
Le projet en bref
Contact : Denis Collinet, directeur - Syndicat des intercommunalités de la Vallée du Thérain, 60510 Bresles - contact@sivt-therain.fr - tél. : 03 44 02 10 55
Site internet : https://www.sivt-therain.fr/fr
Vidéo sur le projet : https://www.youtube.com/watch?v=RP6R2x3qAWE
Bénéficiaires : l'ensemble des 175 communes de la Vallée du Thérain et leurs habitant·es
Coût : 218 626 €
Financement : Agence de l'Eau Seine-Normandie 80%, SIVT 20%
Le projet en bref
Site internet : https://www.sivt-therain.fr/fr
Vidéo sur le projet : https://www.youtube.com/watch?v=RP6R2x3qAWE
Bénéficiaires : l'ensemble des 175 communes de la Vallée du Thérain et leurs habitant·es
Coût : 218 626 €
Financement : Agence de l'Eau Seine-Normandie 80%, SIVT 20%
- 13. Lutte contre le changement climatique
- 14. Vie aquatique
- 15. Vie terrestre
Objectifs de développement durable
Contact
Contact : Denis Collinet, directeur
Syndicat des intercommunalités de la Vallée du Thérain
60510 Bresles
tél. : 03 44 02 10 55
Sur le terrain
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