« Day by day », la première épicerie en vrac de Lille
Mis à jour le 22 juillet 2016
Les épiceries en vrac day by day, un modèle durable de la distribution alimentaire ? L’exemple du magasin de Lille.
Lutte contre le gaspillage alimentaire, réduction des déchets liés aux emballages et garantie de produits de qualité à un prix juste : en proposant des produits d’épicerie en vrac, day by day se caractérise par une intégration des exigences du développement durable dans son modèle de distribution alimentaire. Ces épiceries dites « sans emballage » tentent de cette manière de rompre avec le système alimentaire hérité de l’après-guerre.
La consommation responsable au cœur du concept des achats alimentaires en vrac et de l’initiative day by day
L’épicerie day by day de Lille, s’inscrit dans le concept du vrac, tout comme ses homologues de la distribution alimentaire La Recharge à Bordeaux, Original Unverpackt à Berlin ou encore les espaces vrac « Saveurs d’ici et d’ailleurs » des enseignes d’hypermarchés et supermarchés Auchan. Ces dernières ont en commun la vente de produits d’épicerie sans emballages. Pour protéger et transporter leurs achats (vendus naturellement au kilo), les clients doivent venir avec leurs propres contenants, utiliser ceux mis à disposition par d’autres ou acheter des boîtes sur place.
Ces enseignes participent à déconstruire l’imaginaire impulsé par l’essor du marketing qui envisage l’emballage comme essentiel à la consommation et à l’achat. Elles mettent au cœur de leur stratégie de vente une responsabilisation des acteurs du système alimentaire, essentiellement les consommateurs, d’un point de vue :
- écologique (réduire les déchets liés aux emballages) ;
- éthique (consommer « ce qu’il faut » sans excédent pour lutter contre le gaspillage alimentaire) ;
- et économique (annihilation du poids de l’emballage dans le prix final du produit, celui-ci comptant généralement pour 5 à 20% du prix final).
En effet, si le packaging apparait souvent comme un outil essentiel dans la vente d’un produit, il est d’abord impossible d’ignorer l’impact des déchets d’emballages sur l’environnement. Il participe grandement au volume de nos poubelles et, par-là, aux dépenses énergétiques liées au tri et à la gestion des déchets dans le fonctionnement de notre système alimentaire actuel. De même, chaque Français jette chaque année plus de 7 kilos de produits non consommés, ce qui représente un gaspillage éthiquement insoutenable. Pour contrer ce phénomène, on fait ici en sorte que les consommateurs achètent les produits dont ils ont besoin dans la quantité de leur choix. Enfin, l’emballage représente une part significative du prix final d’un produit, qui va de 5 à 20%. La vente en vrac devrait empêcher la répercussion sur le consommateur du coût des matières premières et des activités de publicité et de marketing qui sont liées à la production d’emballages.
Les épiceries en vrac cherchent de cette manière à faire adopter une attitude « éco-responsable » aux consommateurs. Celle-ci passe par la reconsidération de leurs besoins comme par l’acquisition de nouveaux réflexes. Elle s’inscrit aussi dans une rupture avec le système alimentaire d’après-guerre, à l’époque où l’emballage a été construit comme le relai majeur d’une véritable culture de la consommation.
Une rupture avec le modèle hérité de l’après-guerre
L’essor du marketing, du libre-service et de la grande distribution, accéléré à partir des décennies 1950 et 1960 ont contribué à concevoir l’emballage comme un élément stratégique du système alimentaire français pourtant peu adapté aux exigences contemporaines en termes de développement durable. L’emballage alimentaire, à l’origine simplement considéré comme un contenant, est alors vu à la fois comme une aide au choix qu’un support pour les informations concernant le produit et s’ancre ainsi dans une stratégie de fidélisation des clients. Benoit Barré et Benoît Heilbrunn expliquent que l’on peut en effet différencier deux époques dans l’histoire du « packaging » : l’emballage est d’abord destiné à contenir, transporter et préserver ; il sera, au cours des XIXe et XXe siècles notamment, influencés par le modèle de la distribution marchande américaine, utilisé pour « identifier, rassurer, différencier, attirer, séduire, scénariser » et créer un lien de fidélité et d’attraction entre le produit et son client, à la manière d’une interface entre producteur et consommateur.
Des pratiques de développement durable ont été intégrées dans les procédés industriels des fabricants d’emballage. Celles-ci passent par exemple par l’utilisation de produits chimiques moins impactant sur la santé des travailleurs ou encore sur l’environnement. Il s’agit aussi de guider les consommateurs vers un choix plus responsable par le biais de l’intégration d’éco-labels ou d’informations sur la traçabilité du produit sur les emballages alimentaires. Toutefois, si ces pratiques participent à un système alimentaire plus durable, elles ne répondent ni aux défis liés à la dépendance énergétique de celui-ci ni à la problématique du gaspillage. S’ils s’engagent plus directement dans un effort contre ces deux problématiques, dans quelle mesure les magasins en vrac apparaissent-ils comme un élément essentiel dans la promotion d’un nouveau modèle alimentaire ?
L’intiative day by day au cœur d’un nouveau modèle de production-consommation alimentaire ?
Une des premières limites tient à la variété des produits proposés, qui sont les suivants : produits apéritifs, biscuits sucrés, bonbons, épices, huiles et vinaigres, savons et cosmétique, thés, petit-déjeuner, pâtes, grains du monde, farines, fruits secs, légumes secs, sucres, riz, produits d’entretien, confiserie. On ne propose pas de produits frais. L’épicerie day by day de Lille est néanmoins située dans la rue Gambetta, connue pour ces nombreux commerces de bouches et pour sa proximité au marché de Wazemmes. De même, si les produits choisis sont de qualité, très peu sont produits localement et issus de procédés biologiques. Par exemple, l’un des produits biologiques proposés est le quinoa, mais celui-ci étant produit en Bolivie ou au Pérou, on peut se poser la question du lien de la franchise day by day avec le tissu économique local. Enfin, on ne peut pas strictement parler d’un modèle de distribution sans emballages puisque ceux-ci restent nécessaires en amont de la mise en rayon dans le magasin. Cette initiative permet donc de minimiser les emballages superflus, mais il s’agit aussi de gérer de manière plus responsable les déchets produits par les fournisseurs de day by day. C’est ici le rôle du partenariat entre la plateforme logistique et la société Triethique.
En fait, le concept d’une épicerie de proximité et en vrac repose pour l’instant principalement sur la volonté de responsabiliser les consommateurs dans leurs achats et leurs pratiques. Il rencontre une demande croissante de consommateurs responsables, engagés par exemple dans des démarches zéro-déchet - zéro-gaspi, qui se développement beaucoup depuis 2014. Du côté de la mobilité, l’épicerie concerne surtout les consommateurs urbains qui, en diminuant le volume des produits achetés, n’ont plus besoin de leur voiture pour se déplacer. Day by day propose aussi des recettes de cuisine sur leur site Internet. En luttant contre les emballages superflus, c’est aussi une valorisation d’un mode de vie plus durable qui se dessine.
Fiche d’identité
- Structure : Day by Day – Mon épicerie en vrac, Lille
- Date d’ouverture : 17 février 2015
- Dirigeante : Alice BIGORGNE
- Statut : SARL unipersonnelle
- Secteur d’activité : supérette
- Concept : un des huit magasins franchisés de la chaîne d’épicerie day by day qui propose à ses clients d’acheter en vrac de nombreux produits du quotidien
Rédaction : Clémence Mérot Master APGBC / Majeure DS / 3ème semestre / Sciences Po Lille