Mis à jour le 12 novembre 2024

38 personnes se sont retrouvées au Climatour « Entreprises et Climat » du 19 septembre 2024. Retour sur cette visite de terrain qui a eu lieu à Caudry, dans le Caudrésis Catésis, pour tisser les liens entre le climat et les modèles économiques. Au programme : décarbonation, adaptation au changement climatique, innovation et changement de modèle.

Par les émissions liées à leurs activités économiques, les entreprises influencent le climat. En diminuant leur impact, voire en offrant des solutions de services ou de transformation, elles peuvent contribuer à endiguer la crise climatique. Pour autant, elles sont elles-mêmes touchées dans leur chaîne de valeur par les effets de ce changement climatique ; elles doivent s’adapter. Pour comprendre comment des entreprises s’emparent de la question climatique pour façonner leur stratégie, le Cerdd, accompagné par EuraMaterials, est allé à la rencontre de l’entreprise Bastien Tissages Techniques, engagée dans une démarche de permaentreprise, croisant les regards avec la stratégie de développement économique d’un territoire à la riche histoire industrielle.

De la préservation des ressources aux nouveaux modèles économiques

Le changement climatique impacte l’activité économique des entreprises tout autant que l’activité économique des entreprises contribue au changement climatique. Pour enrayer les conséquences en cascade, et s’inscrire davantage dans le cadre des limites planétaires, les entreprises mettent en place des stratégies d’atténuation et d’adaptation où les questions de sobriété occupent une place importante. Celle-ci est définie par le GIEC comme un « ensemble de mesures et de pratiques quotidiennes qui permettent d’éviter la demande d’énergie, de matériaux, de terres et d’eau, tout en assurant le bien-être de tous les êtres humains, dans les limites de la planète. »

Pour les entreprises les plus conscientes de la situation, ces démarches peuvent ainsi aboutir à la remise en question de tout ou partie de leur modèle économique ; elles s’appuient pour cela sur des concepts nouveaux et sur des dynamiques de coopération territoriales et économiques. Ces transformations viennent toucher les enjeux de travail de leurs propres salarié·es et redessinent la chaîne de valeur en embarquant tout un écosystème qui comprend également les acteurs publics.

Climatour 21

La visite de l’entreprise Bastien Tissages Techniques, engagée dans une démarche de permaentreprise, permet de comprendre comment cette méthode conduit l’entreprise à repenser son modèle de développement en s’appuyant sur les trois principes éthiques empruntés à la permaculture : prendre soin des humain·es, préserver la planète, fixer les limites et redistribuer. En chemin, les leviers de l’économie de la fonctionnalité et de la coopération (EFC) sont activés, notamment quand il s’agit de préserver les matières premières nécessaires au tissage des pièces produites par l’entreprise pour ses clients de l’agro-alimentaire. Par exemple, une proposition commerciale se dessine autour de la location-entretien des toiles, de même que l'upcycling de certaines toiles usagées en partenariat avec un des clients de la filière agro-alimentaire. Le lancement récent d’une gamme d’emballages réutilisables (l’Artisan Tisserin) permet enfin de s’adresser à un public de particuliers.

« On peut y arriver sans baguette magique, et si on y arrive ce sera tous ensemble » - Christophe Lemaire, président de l’entreprise Bastien Tissages Techniques

La transition des entreprises se fait également via les matériaux et les procédés industriels, un positionnement qu’accompagne EuraMaterials, pôle de compétitivité régional basé à Tourcoing. Son action permet de redéployer l’innovation en créant des partenariats entre entreprises, laboratoires de recherche ou universités et d’autres acteurs de filières. Avec Bastien Tissages Techniques, le pôle travaille par exemple à la circularité du polypropylène, ou aux performances des fibres en lin, chanvre et ortie, fibres naturelles, dont les cultures présentent une forte capacité de séquestration du carbone. Cet effort de recherche et développement est majeur dans la stratégie de transformation du modèle économique de l’entreprise pour l’orienter vers une production majoritaire en tissus naturels. D’autant plus qu’il doit s’articuler avec la complexité d’une certification Sécurité alimentaire, norme visant à fournir un cadre commun pour la certification des entreprises fournissant des emballages destinés à l’alimentaire.

Le patrimoine industriel et artisanal de la Communauté d'Agglomération du Caudrésis-Catésis (CA2C) est riche, mais il est confronté aujourd’hui à des problématiques d’attractivité et de durabilité des emplois sur son territoire. L’adossement à des programmes comme Territoires d’industrie Grand Hainaut Douaisis permet de tisser progressivement un maillage territorial et une dynamique de coopération visant une industrie davantage décarbonée. Une démarche qui vient en complément de la politique régionale visant à transformer l’économie, la dynamique rev3.

« La dynamique du territoire a évolué : ce sont ceux qui ne font rien qui sont devenus les fous ! » - Thibault de la Ferme des Loups, intervenant lors de la visite

>> Voir aussi, sur le sujet : 

Décarbonation et adaptation : vers une robustesse du modèle

Atténuer : bilans carbone, séquestration, rénovation

Pour l’entreprise Bastien Tissages Techniques, la définition de sa stratégie climatique s’est appuyée sur plusieurs bilans carbone depuis sa reprise en 2020. À l’échelle de l’entreprise, l’effort de contribution à la neutralité carbone peut être considéré comme atteint voire dépassé, la séquestration occasionnée par la production agricole relocalisée étant supérieure à l’impact carbone des activités. La séquestration du carbone dans ces sols n’est pas pour autant présentée comme une action de compensation puisqu'elle s’inscrit pleinement dans l’activité de l’entreprise avec l’objectif de fournir les matières premières. C’est d’ailleurs ce sourcing de matières naturelles qui lui permet d'atteindre le score de 100.7 en certification B Corp. 

La stratégie climatique se traduit aussi dans le fonctionnement de l’usine : de futurs travaux d’agrandissement, menés par Simon & Capucine Architectes, intègrent l’augmentation de l’efficacité énergétique, l’utilisation de biomatériaux ainsi qu’une logique de réduction de l’emprise foncière. Le bâtiment bioclimatique, rénové et étendu, constituera une vitrine des engagements environnementaux avec une isolation thermique extérieure, un bardage bois, des capteurs solaires en façade, ou encore l’usage d’énergie éolienne. Une place privilégiée est laissée aux espaces végétalisés, à l’intérieur et à l’extérieur du bâtiment, avec des serres de cultures en toiture et une végétalisation des façades et du site.

Sans surprise, rev3 est partenaire de ce programme ambitieux. De manière systémique, ce projet embrasse dans le même temps les questions humaines : il contribue à l’amélioration de l’environnement de travail des salarié·es, complétant les réorganisations du travail initiées par la dynamique de permaentreprise pour prendre soin des salarié·es (modification des horaires, travail sur 4 jours, télétravail…).

« On ne cherche pas la performance teinturiale, on cherche le zéro impact » - Franck Duhamel, Bastien Tissages Techniques

S’adapter : nature, résilience, coopération

La permaculture inspire la permaentreprise. En se souciant de la permanence des ressources, en visant l’efficacité à partir d’une fine observation de la nature et de ses interactions, elle illustre une forme d’adaptation au changement climatique. C’est La Ferme des Loups qui transmet ces savoirs aux équipes de Bastien Tissages Techniques, à travers le projet de jardin en permaculture sur le site de l’usine.

La prise en compte des risques liés aux difficultés actuelles et futures d’approvisionnement en matières premières conduit le “permadirigeant” Christophe Lemaire à travailler la circularité et relocalisation des ressources indispensables au bon fonctionnement de son entreprise. Démarche individuelle d’adaptation d’un modèle économique, elle aboutit à l’échelle d’un territoire au développement de filières agricoles plus respectueuses des écosystèmes. Le déploiement local de cultures de chanvre et d’ortie avec des agriculteur·rices et étudiant·es, la création d’une chanvrière et le choix d’un modèle d’exploitation régénératif qui améliore la qualité du sol permettent de préserver les fonctions essentielles des milieux naturels.

Parmi les conséquences du changement climatique on compte notamment la perturbation des opérations en lien avec les aléas climatiques (inondations, retrait-gonflement des argiles...) plus intenses et fréquents, des conditions de travail des salarié·es (en cas de fortes chaleurs) et de la productivité. La volonté d’agrader le site de l’entreprise et d’améliorer les conditions de travail répond à ces enjeux : la rénovation et les modalités environnementales d’agrandissement viendront réduire la vulnérabilité de l’entreprise qui s’appuiera sur des bâtiments plus robustes.

Dans le modèle de permaentreprise, les projets menés sur les ressources matière viennent en complémentarité du soin apporté aux enjeux de travail et de ressources humaines, ainsi qu’à la redistribution des richesses. A ce titre, Bastien Tissages Techniques est membre fondateur de la Fondation Territoriale “Horizon Grand Hainaut”, une dynamique collective qui vise à soutenir des projets solidaires issus du champ de l’économie sociale et solidaire et qui s’installe ici sur le long terme.

>> Voir aussi, sur le sujet : 

Découvrez aussi le dossier ressource réalisé à l'occasion du Climatour :

Dossier ressource Entreprise et climat

Visite organisée en partenariat avec EuraMaterials et l’entreprise Bastien Tissages Techniques, à Caudry sur le territoire de la Communauté d'Agglomération du Caudrésis-Catésis (CA2C).

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