Le Parc du Marquenterre, dans la Somme, fête ses 50 ans en 2023. Pour répondre de façon qualitative à l’augmentation de la fréquentation, le Parc intègre désormais les risques et opportunités liés au changement climatique dans son plan de gestion. Objectif : conserver l’équilibre entre préservation de la biodiversité et développement économique.
Une réserve ornithologique qui s’interroge
Niché au cœur de la Baie de Somme, dans la commune de Saint-Quentin-en-Tourmont (80), le Parc du Marquenterre est un espace naturel entre ciel et mer de 200 hectares (ha) de marais, dunes et roselières, dédié à la préservation des oiseaux. Site d’observation remarquable, il est l’un des rares sanctuaires naturels en France ouvert au public.
Depuis 2019, l’ADEME mesure l’impact de la forte croissance du secteur touristique en Hauts-de-France sur les ressources naturelles, ainsi que les émissions de gaz à effet de serre (GES) engendrées. Le Parc du Marquenterre est l’un des six sites bénéficiaires de l’accompagnement de l’ADEME sur le diagnostic de vulnérabilité et la stratégie d’adaptation au changement climatique.
Un nouveau document de travail essentiel
Propriété du Conservatoire du Littoral, le Parc du Marquenterre est géré par le Syndicat Mixte Baie de Somme. Il fait partie de la Réserve naturelle nationale Baie de Somme et s’inscrit dans un territoire labellisé Grand Site de France. Un pedigree à forte valeur écologique.
Dans le cadre de l’accompagnement de l’ADEME, un diagnostic a donc été effectué en partenariat avec les cabinets de conseil Acterra et I Care. Les résultats ont été livrés au moment où la Réserve Naturelle de la Baie de Somme rédigeait son nouveau plan de gestion 2023-2028 : les propositions ont ainsi pu être intégrées à la nouvelle programmation.
« Initialement prévu pour une période de dix ans, le plan de gestion de la Réserve Naturelle est maintenant établi sur cinq ans, précise la directrice d’exploitation Corinne Carré. Nous entrons désormais dans une culture de l’imprévisibilité avec la prise de conscience de notre vulnérabilité. Estimant avoir peu de visibilité au-delà de cinq années, nous allons devoir nous adapter en permanence face aux changements à venir. »
Entre enjeux écologiques et économiques : un équilibre à trouver
« Ce diagnostic nous a permis d’intégrer des outils de mesure du changement climatique très précis pour préparer le nouveau plan de gestion, explique Corinne Carré. C’est aussi un document de travail essentiel pour mieux communiquer sur le changement climatique auprès de nos élu·es, de notre clientèle et des acteur·rices du territoire. Les six grands axes définis vont nous permettre d’agir en intégrant la complexité de ces changements. Nous savons notre site naturel et notre modèle économique performants mais nous réalisons vraiment à quel point tout cela est fragile et que cet équilibre tient à peu de choses. »
Agir face aux vulnérabilités du site
Dans un premier temps, le diagnostic a permis d’identifier le risque d’exposition des activités du Parc du Marquenterre aux aléas climatiques, notamment ceux à évolution lente comme la montée du niveau de la mer ou la hausse des températures, mais aussi l’occurrence d’événements extrêmes tels que les canicules, les inondations, les sécheresses…
L’étude a ensuite révélé la sensibilité du site à ces aléas pour poser un diagnostic de vulnérabilité et envisager les pistes d’action dans le cadre de la stratégie d’adaptation au changement climatique.
Entre les entretiens bilatéraux, l’installation d’un atelier collectif, en présentiel et en ligne, puis la phase d’ateliers de travail in situ par les opérateurs, et enfin la présentation des résultats, le diagnostic s’est déroulé entre octobre 2020 et septembre 2021. La période de crise sanitaire a également donné un éclairage sur de nouveaux risques encourus et les éventuelles réponses à y apporter.
Une feuille de route, six actions majeures
La feuille de route du Parc du Marquenterre comporte neuf actions au total : trois sur le fonctionnement et les services support, et six sur les facteurs d’attractivité du site dont voici le détail.
#Inclure l’adaptation au changement climatique dans le plan de gestion
« Pour rendre le site plus résilient et créer le modèle du parc de demain sans remettre en cause la biodiversité ni la fréquentation, nous avons besoin de mieux comprendre et appréhender notre environnement pour nous poser les bonnes questions et proposer les solutions adéquates en face, souligne Nathanaël Herrmann, responsable Projet et Développement au Parc du Marquenterre. Ce diagnostic est une carte de visite pour discuter avec nos partenaires et renforcer la complémentarité entre les structures de nos territoires, Syndicat Mixte, Parcs Naturels Régionaux… Nous devons rendre visibles les risques systémiques du changement climatique en cours pour déployer nos stratégies d’actions en synergie. »
#Suivi des espèces faunistiques
La deuxième préconisation est d’assurer le suivi des espèces faunistiques fréquentant le site. Ce suivi est déjà assuré par les guides du Parc depuis trente ans mais sera poursuivi avec un objectif complémentaire : démontrer l’impact du changement climatique sur les espèces présentes. Ce qui était déjà observé de façon empirique sera démontré scientifiquement ; l’inventaire des nouvelles espèces méditerranéennes d’oiseaux nidifiant au Parc comme celles qui se sédentarisent ou disparaissent.
Entre 2024 et 2027, les espèces emblématiques du territoire feront également l’objet d’un repérage spécifique en partenariat avec le Conservatoire d’Espaces Naturels des Hauts-de-France et l’Observatoire Régional de la Biodiversité.
#Atténuer le risque de feux de forêt
Le Parc du Marquenterre est une bande de terre située entre la mer d’un côté et une forêt de pins méditerranéens de l’autre, espèce résistante au stress hydrique mais sujette au risque d’incendie par l’augmentation de la fréquentation du site et celle des forêts aux alentours. La sécurité des visiteur·euses, des employé·es du site naturel ainsi que des espèces végétales et animales pouvant être menacée, le travail sur un plan de prévention du risque incendie a été intégré au plan de gestion en lien avec le Conservatoire du littoral. L’installation de panneaux d’information sur le risque incendie et de sensibilisation aux bonnes pratiques est envisagée.
#Submersion marine du site maîtrisée
Le Parc est vulnérable et exposé à une montée des eaux, à des assèchements des zones humides ou à une rupture de digue. À la suite de ce constat, une opération spécifique a été intégrée au plan de gestion : elle vise à mesurer les risques et étudier par exemple la dynamique dunaire. L’objectif est d’obtenir des outils d’aide à la décision sur le devenir de la digue par exemple.
#Une valeur seuil à trouver pour assurer la sécurité du site
Les différents épisodes caniculaires ont démontré que le site était peu adapté : mauvaise isolation thermique du bâtiment d’accueil et des points d’observation situés en zones faiblement ombragées. Jusqu’à présent, lors de ces épisodes, le principe de précaution a toujours prévalu, allant jusqu’à la fermeture du site. Le Parc va déterminer les valeurs seuil permettant de garantir la sécurité des employé·es et visiteur·euses, en couplant ces informations aux conditions de fonctionnement du site.
#Comptage des visiteur·euses en temps réel
Si la hausse de la fréquentation touristique est un facteur positif de développement pour le Parc, elle peut néanmoins s’avérer néfaste dans une réserve naturelle, entraînant la dégradation du patrimoine naturel et des conditions de visite en cas de saturation. La mise en place d’un système de comptage des visiteur·euses, combiné au développement de la réservation en ligne commencée lors de la crise sanitaire, offre l’opportunité de conserver un accueil de qualité tout en préservant la biodiversité.
Les bonnes questions pour s’adapter au changement climatique
La feuille de route est un outil efficace pour soulever les questions essentielles. « Un premier palier a ainsi été franchi, indique Corinne Carré. Nous avons intégré la vision systémique des risques liés au changement climatique et la nécessité de disposer de données chiffrées précises pour agir et nous adapter en permanence, face aux impacts des aléas climatiques. Nous sommes très conscients des difficultés et des efforts encore à faire mais optimistes en observant la résilience de la nature. »
Le Parc devient aussi défricheur et précurseur de la gestion de sites naturels et touristiques face au changement climatique, quand l’incertain devient certain.
La feuille de route donne des pistes d’actions mais soulève surtout de nombreux questionnements. Comment répondre aux demandes et attentes du public ? Comment adapter les activités et réaménager les parcours de visite ? Comment former les guides pour mieux informer les nouvelles générations de visiteur·euses ? Comment mieux étaler la fréquentation sur les quatre saisons pour faire baisser la pression printanière et estivale ?
Des études sont actuellement en cours pour :
- mettre en place une gestion exemplaire des eaux pluviales et des eaux usées ;
- trouver des solutions adaptées pour le futur bâti de la maison du Parc, datant de 1973 et devenu inadapté aux conditions d’accueil du public et de travail des salarié·es ;
- veiller au confort thermique des postes d’observation ornithologique et les faire évoluer pour une meilleure adaptation aux futures conditions climatiques. Demain, seront-ils flottants ou mobiles ?
La réflexion engagée en parallèle par le Parc Naturel Régional Baie de Somme Picardie Maritime sur l’adaptation de son site au changement climatique permet également d’envisager enjeux et solutions à une échelle territoriale.
« Agir avec la nature et non pas contre »
Le Parc dispose d’atouts et de nouveaux outils pour maintenir son équilibre entre préservation de la biodiversité et développement économique. Il peut aussi compter sur la mobilisation de ses collaborateur·rices dont une équipe d’une vingtaine de guides nature médiateurs très investi·es. « Le visage du Parc est appelé à se transformer et cette transition écologique se fera au bénéfice des milieux naturellement résilients si nous agissons avec la nature et non pas contre », conclut Corinne Carré.
En quoi cette initiative est bonne pour l’adaptation au changement climatique ?
Le diagnostic a permis de hiérarchiser les vulnérabilités du Parc face aux changements climatiques. Il répertorie les impacts sur les activités du site, son exposition aux aléas et sa sensibilité, s’échelonnant du score le plus faible jusqu’au seuil de vulnérabilité critique. Par exemple, la récurrence des épisodes de sécheresse qui modifient les conditions hydrologiques des zones humides caractéristiques du Parc, aurait un impact négatif sur les écosystèmes associés ; constituant ainsi un niveau de vulnérabilité critique. La connaissance des risques et de leurs impacts permet une meilleure adaptation au changement climatique, ce qui bénéficie au maintien de l’activité économique et à la préservation de la biodiversité du site.
Le projet en bref
Titre de l’opération : Diagnostic des risques climatiques au Parc du Marquenterre
Lieu/Echelle de l’action : site du Parc du Marquenterre
Identification du porteur de projet : Parc du Marquenterre, 25 bis Chemin des Garennes 80120 Saint-Quentin-en-Tourmont
Contacts :
Corinne Carré, directrice d’exploitation, corinnecarre@baiedesomme.fr 03 22 25 20 76
Nathanaël Herrmann, Responsable Projets et Développement nathanaelherrmann@baiedesomme.fr 03 22 25 20 74
Partenaires : ADEME, Acterra, I Care
Financement : ADEME
Date de l’opération : 2020-2021
Bénéficiaires/cibles de l’action : biodiversité, site, visiteurs
Documents de référence disponibles :
https://librairie.ademe.fr/cadic/7216/parc-marquenterre-tourisme-cc-2022.pdf?modal=fals
Le projet en bref
Titre de l’opération : Diagnostic des risques climatiques au Parc du Marquenterre
Lieu/Échelle de l’action : site du Parc du Marquenterre
Identification du porteur de projet : Parc du Marquenterre, 25 bis Chemin des Garennes 80120 Saint-Quentin-en-Tourmont
Partenaires : ADEME, Acterra, I Care
Financement : ADEME
Date de l’opération : 2020-2021
Bénéficiaires/cibles de l’action : biodiversité, site, visiteurs
Documents de référence disponibles :
https://librairie.ademe.fr/cadic/7216/parc-marquenterre-tourisme-cc-2022.pdf?modal=fals
- 13. Lutte contre le changement climatique
- 14. Vie aquatique
- 15. Vie terrestre
Objectifs de développement durable
Contact
Corinne Carré, directrice d’exploitation, corinnecarre@baiedesomme.fr 03 22 25 20 76
Nathanaël Herrmann, Responsable Projets et Développement nathanaelherrmann@baiedesomme.fr 03 22 25 20 74
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