C'est l'histoire de six cousins agriculteurs qui voulaient diversifier leur activité. Aujourd'hui, ils sont devenus spécialistes des métiers de l’environnement et de l’économie circulaire à travers le compostage, le bois-énergie, les stations bioGNV et la méthanisation.
Cette véritable aventure a commencé par la nécessité du compostage. Rappelez-vous, à la fin des années 1990, les déchets verts étaient encore déposés en décharge. C'est la loi Voynet sur l'aménagement et le développement durable du territoire, adoptée en 1999, puis l'interdiction au 1er juillet 2002 de déposer tout ce qui était recyclable en décharge, qui ont été les éléments déclencheurs de l'activité d'Agriopale Services. « On s'est inscrits dans cette dynamique, très nouvelle à l'époque, explique François Dusannier, fondateur et gérant d'Agriopale. Nous étions six cousins agriculteurs, nous cherchions à nous diversifier. Nous avons donc décidé de capter le gisement des déchets verts sur notre territoire ; il y en avait beaucoup, sans compter les grandes quantités de fumier du centre équestre du Touquet ! »
Plusieurs plateformes de compostage, gérées en partenariat
Au départ, ils envisagent de créer une ou deux plateformes de compostage. « On est d'abord allés voir les élu·es, c'était l'époque de la mise en place des communautés de communes, il y avait peu d'acteurs chez nous. » Un petit tour en Allemagne, Autriche et dans les Pays-Bas, leur a aussi permis de s'inspirer des actions mises en place dans ces pays. Les plateformes se dessinent : une surface macadamisée, avec un pont à bascule et un système de récupération des eaux pluviales.
« Mais pour pérenniser une entreprise, il faut une certaine taille ! Nous avons donc décidé de nous développer, et notamment de mener de la R&D (recherche et développement) », précise le gérant. Ils ont installé plusieurs plateformes, à parfois 100 km de chez eux et cherché des agriculteur·rices avec lesquel·les s'associer, qui « avaient accès au foncier, disposaient d'un réseau, connaissaient leur territoire... Cela a facilité l'implantation et le développement de nos plateformes. »
Vers la méthanisation, avec du sens
En 2003, Agriopale rejoint la toute nouvelle association Agriculteurs composteurs de France – soutenue par TRAME, organisme national de développement agricole et rural – qui regroupe 70 agriculteur·rices et 35 sociétés, dans une logique de mutualisation des compétences. Les membres, agriculteur·rices et recycleur·ses, sont ancré·es dans une démarche d'économie circulaire et sont les premier·es utilisateur·rices du compost produit.
Deux ans plus tard, Agriopale compte neuf plateformes de compostage, dont la création est soutenue par l’ADEME. Elles s’étendent de 5 à 10000 m2, traitant entre 5 et 15 000 tonnes de déchets par an, issues des collectivités et des déchetteries : des résidus végétaux, du bois, des sous-produits, parfois des boues de stations d'épuration.
Fin 2010, le photovoltaïque se développe, puis la méthanisation, avec une efficacité énergétique importante. « Nous sommes retournés voir en Allemagne ce qui se faisait. Mais pour nous, mettre directement des cultures dans les méthaniseurs n'avait pas de sens, c'était au détriment de l'agriculture ! On a su que le gouvernement préparait un décret pour injecter du biométhane dans le réseau de gaz, on a décidé de s'y engager. »
>>> Consultez à ce sujet les ressources du Cerdd sur la méthanisation et l’appropriation sociale
Biogaz et fertilisants : association de l’économie circulaire et des énergies renouvelables
Agriopale se lance dans l'aventure, et prépare son premier méthaniseur. « Un projet difficile ; on a eu beaucoup de bâtons dans les roues, mais on a quand même réussi à le faire aboutir », se félicite François Dusannier. Cette première usine, Pré du Loup Énergie, située à Saint-Josse (62), traite des sous-produits issus de l’agriculture (élevages et cultures) et des résidus de l’industrie agroalimentaire locale. Elle produit plus de 21 000 GWh/an sous forme de gaz équivalent au gaz naturel, utilisé pour les usages domestiques et professionnels. La valorisation du biogaz renouvelable se fait ici par épuration et injection du biométhane dans le réseau GRDF. Il s’agit d’une voie de valorisation permettant le stockage de cette énergie renouvelable via le réseau GRDF.
Ce projet s’inscrit pleinement dans l’économie du territoire, dans une logique d’économie circulaire : les sous-produits issus de l’agriculture et de l’industrie agroalimentaire locale alimentent le secteur en gaz vert, et assurent la fertilisation des champs agricoles avec un produit très qualitatif : le digestat de méthanisation.
Associer les partenaires locaux pour essaimer les projets
Agriopale a développé plusieurs autres méthaniseurs producteurs de biogaz, jusqu'à Bourges (18) et Saumur (49). Fidèles à leur philosophie, les divers projets développés se font à chaque fois en association avec un partenaire local.
Zoom sur deux projets :
À Arques (62), depuis 2018, Agriopale est partenaire de la brasserie Goudale, qui méthanise ses effluents pour en limiter les quantités. Avant le partenariat avec Agriopale, le biogaz créé était brûlé dans une torchère. Agriopale se charge désormais de l'épuration du biogaz qui devient donc du biométhane, copie conforme du gaz naturel des réseaux de GRDF, et y injecte 100 m3/h, soit l'usage de 1000 maisons. Une station de Bio GNV, gaz naturel pour véhicules, a également été ouverte en 2020 à quelques pas de la brasserie.
À Isques (62), Agriopale a créé Landacres Énergie en partenariat avec la société Daudruy, raffinerie d'huiles alimentaires. Divers sous-produits issus du territoire (poussières de céréales, déchets d'oignons, sous-produits graisseux de Daudruy, ou issus de la transformation du poisson du Boulonnais, déchets ou sous-produits agro-alimentaires...) sont mélangés et mis à fermenter. Les digestats seront ensuite épandus par une quinzaine d'exploitations agricoles tandis que 350 Nm3/h de gaz seront injectés dans le réseau.
Le projet, qui a nécessité 6 millions d'euros d’investissement, a bénéficié d’une aide de 10% octroyée par la Région Hauts-de-France à partir des fonds européens FEDER. Avec le même partenaire, un projet similaire, Nord Métha, est en train de voir le jour à Petite-Synthe (59) avec une capacité de 750 Nm3/h.
Valoriser les ressources ligneuses par le bois-énergie
Dans la même philosophie d'économie circulaire vertueuse, Agriopale a développé en parallèle divers sous-produits du bois pour le chauffage. En 2009, l’État créait le Fonds Chaleur, un dispositif de soutien financier au développement de la production renouvelable de chaleur, géré par l'ADEME, avec une attention particulière sur le développement de la filière biomasse et plus particulièrement du bois. La création de ce fonds a abouti au lancement d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI) par l’ADEME, intitulé Dynamic Bois 2015 en collaboration avec les ministères de l’Agriculture et de la forêt et de l’Écologie.
Le projet « Côte, forêts et marais d’Opale », coordonné par Agriopale Services en partenariat avec le Parc naturel régional Caps et Marais d'Opale notamment, a été retenu dans la région Hauts-de-France pour une durée de 3 ans. L'objectif est de mobiliser les ressources ligneuses non exploitées à ce jour.
Agriopale fabrique, à partir de bois de catégorie A (brut, sans aucun traitement, ou de palette) différents produits de chauffage comme des bûches, des granulés, des bûches densifiées, ou des allume-feux. Pour compléter ce service et boucler la boucle, Agriopale propose aux propriétaires ou gestionnaires forestiers des travaux d'abattage, débardage, bûcheronnage, pour valoriser toutes les parties de l'arbre. Afin de transformer toutes ces matières premières, il a fallu acheter du matériel mobile, notamment un broyeur et un crible.
Une unité de fabrication dédiée a vu le jour à Frencq en 2014. L'ADEME a financé ce projet à hauteur de 881 601€. Les gisements traités annuellement représentent 80 000 tonnes de biomasse !
De plus en plus de projets, en phase avec l’environnement
Agriopale est devenu un groupe, et ne cesse d'avoir de nouveaux projets. Bientôt dix unités de méthanisation et quatre stations BioGNV. Trente personnes travaillent au siège de Cucq, où la R&D est toujours en application. « Nous sommes sur un nouveau processus pour rendre le fumier de cheval digestible en méthaniseur. Il est très long à se dégrader, trop riche en paille... ». La R&D permet à Agriopale de se développer. « Nous sommes passés de l'organique pur à l'organique-énergie, commente François Dusannier. Personnellement, je suis un pur fruit de l'agriculture industrielle. Mais sur ma ferme aujourd'hui, une partie de ma production est en bio... Rien n'est figé, tout évolue, il nous faut nous adapter en permanence. » Et c'est finalement ce qu'Agriopale n'a cessé de faire.
Le projet en bref
SARL Agriopale Services
Adresse : 8 chemin Bouvelet, 62790 Cucq
Contact : François Dusannier, gérant
tél. : 09 75 61 85 46
contact@agriopale.fr
Site de l'entreprise : agriopale.fr
AGRIOPALE commercialise ses bûches, plaquettes, paillage, compost, pour le grand public.
Sur le projet bois une aide de l'ADEME a été apportée à hauteur de 881 601 €
Ressources pour aller plus loin :
>> Reportage vidéo au cœur de la brasserie Goudale
>> Article sur l'inauguration du méthaniseur de Landacres Energies sur la commune d’Isques (62)
>> Article sur le bois compressé à Frencq
>> Fiche de synthèse énergies renouvelables et de récupération en Hauts-de-France – Observatoire Climat Hauts-de-France
Le projet en bref
SARL Agriopale Services
Adresse : 8 chemin Bouvelet, 62790 Cucq
Site de l'entreprise : agriopale.fr
AGRIOPALE commercialise ses bûches, plaquettes, paillage, compost, pour le grand public.
Sur le projet bois une aide de l'ADEME a été apportée à hauteur de 881 601 €
- 12. Consommation et production responsables
- 17. Partenariats pour la réalisation des objectifs
- 7. Énergie propre et d'un coût abordable
Objectifs de développement durable
Contact
François Dusannier, gérant
tél. : 09 75 61 85 46
contact@agriopale.fr
Sur le terrain
Découvrez ces initiatives sur le terrain avec notre offre de visites DDTour