Retour sur les Assises européennes de la transition énergétique 2023
Mis à jour le 6 juin 2023
La délégation "climat" du Cerdd était présente à la 24e édition des Assises européennes de la transition énergétique du 23 au 25 mai 2023, à Bordeaux. Moments d'inspiration, ateliers, plénières, speed meeting : différents formats ont permis d'explorer la thématique "Agir ensemble pour la neutralité carbone".
« Des changements justes et profonds, une implication citoyenne, agir ensemble, la coopération territoriale, propulsion de politiques innovantes, des leviers financiers et législatifs, décloisonnement, besoin de moyens humains... » autant de termes qui ont été prononcés lors de la plénière d'ouverture des 24e Assises européennes de la transition énergétique qui se sont déroulées à Bordeaux fin mai 2023. Une plénière qui a donné du souffle, de l’envie, de la motivation !
L’ensemble des contributions a permis de rappeler :
- qu'il y a urgence à agir dès maintenant, sans attendre la solution parfaite
- que les crises (mégafeux, guerre en Ukraine et explosion du coût de l’énergie, carence en eau...) provoquent des prises de conscience
- que l’échelon communal est la bonne échelle pour propulser des politiques innovantes
- que les ressources sont finies et limitées.
Selon Claudine Bichet, vice-présidente de Bordeaux Métropole au climat, à la transition énergétique et à la santé, l'enjeu est de « faire en 10 ans ce que l’on n’a pas réussi à faire en 30 ou 40 ans ». Nous ne pouvons plus raisonner en "émissions directes", et devons passer à une approche "responsabilité", que ce soit pour nos biens de consommation ou pour l’alimentation. La coopération inter et intraterritoriale doit être une composante structurelle de toutes les politiques publiques. De plus, l’appropriation et l’acceptabilité des projets se fera par le dialogue citoyen.
Il a également été question de mettre en lumière les sujets du rationnement et de la justice sociale dans un système de ressources finies et limitées où les fonds nationaux sont alloués au financement du bouclier énergétique (45 milliards d’euros) et de la rénovation énergétique (2 milliards d’euros).
Enfin, le dispositif d’animation Slime (Service local d’intervention pour la maîtrise de l’énergie) a été une nouvelle fois présenté : il permet aux collectivités territoriales de toute échelle d’aller au devant des problèmes de précarité énergétique en rendant plus efficaces des solutions existantes.
Jeunes et engagé·es pour la transition énergétique
En partenariat avec la Fondation Heinrich Böll (Bureau de Paris) et Virage Énergie, le Cerdd a animé un atelier portant sur l'engagement des jeunes dans la transition énergétique et plus largement climatique. Ce rendez-vous était axé sur la mobilisation des jeunes comme vecteur d'une attention médiatique et de l'opinion publique renforcée sur les enjeux climatiques. Les grèves et marches pour le climat, des remises de diplômes mouvementées ou encore des actions portées à différents degrés de radicalité sont régulièrement sous le feu des projecteurs. En première ligne des conséquences du changement climatique, la jeunesse ne saurait porter seule la responsabilité de l'action. Comment lui donner toute sa place dans la transition sans pour autant lui en faire porter toute la charge mentale ? Nous avons donné la parole à trois jeunes pour témoigner de la diversité des formes que peuvent prendre ces engagements.
Lea Schewe, membre du programme "Youth for Energy Future", Caroline Robert, membre de l'association CliMates et Martin Dravet, membre d'Hespul, ont ainsi témoigné de leurs engagements militants, institutionnels, associatifs, ou suivant le principe des actions de désobéissance civile. Endossant tour à tour leurs multiples casquettes, les intervenant·es déploraient certains rôles leur étant assignés par défaut – de lanceurs d'alerte ou de sensibilisation –, activant les tensions entre urgence d'agir et angoisse liée à l'inaction. Une posture commune s'est révélée peu à peu : les émotions et l'expertise mobilisées convergent vers une forte ambition, souvent en décalage avec le temps long de la planification territoriale, mais porteuse de renouvellement des modes de faire et de pensée. L'honnêteté, la transparence, la réciprocité sont portées comme autant de valeur à l'action, et d'exigence vis-à-vis des décideur·euses dans leurs démarches de participation citoyenne. Le soutien et les moyens donnés aux actions portées par les jeunes, encore insuffisants, pourraient rendre visible à la fois ces attentes et ces formes d'engagement aussi diverses que complémentaires.
La coopération entre générations et échelles territoriales est ici un enjeu de non-violence, de contre-culture des modèles de réussite et de pérennité de l'action climatique. Ces récits ont dressé des formes de lutte et de responsabilisation qui feront la société de demain, auxquels les participant·es ont réagi de manière émue, et émouvante, livrant leurs efforts continus à la maille locale et le sentiment de quitter l'atelier "reboosté·es" !
Éloge de la lenteur face à l’urgence climatique
Faisant écho aux enjeux de temporalité de l'action, la plénière portant sur l’éloge de la lenteur face à l’urgence climatique fut particulièrement stimulante. Barbara Nicoloso, directrice de l’association Virage Énergie, introduisait la table ronde pour présenter l’enjeu : « Le temps est une construction sociale : il y a un lien entre vitesse et ébriété énergétique ». Historiquement, l’augmentation des consommations d’énergie est liée à l’accélération du temps (lors de la 1ère révolution industrielle). L’organisation de nos vies est régie par notre société de consommation. L’enjeu de la sobriété nous amène finalement à réinterroger les cadres de notre société et donc notre rapport au temps.
Plusieurs témoignages ont permis d'illustrer la mise en pratique de ce nécessaire ralentissement :
- Rebecca Roberts, coordinatrice de l’association 4dayweek : sur l’expérimentation de la semaine à 4 jours par des entreprises en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni. En France, la Métropole de Lyon se lance aussi dans l’expérimentation à partir de septembre 2023.
- Julie Mittelmann, co-animatrice de l'expérimentation du Low-tech Lab basé à Concarneau, en Bretagne.
- Diana Mesa, co-fondatrice et directrice générale de TOWT, entreprise de transport de marchandise par voilier.
En somme, la sortie des énergies fossiles nécessite forcément un ralentissement. Il faut interroger nos modes d’organisation, trouver les leviers pour « accélérer la lenteur », être créatif·ve et oser expérimenter !
Mobilisation citoyenne : de l’incantation à la pratique
Lors de la journée du mercredi, la plénière portait sur la mobilisation citoyenne. Autour de la table, les intervenant·es s'interrogeaient sur comment passer de l’incantation à la mise en pratique.
"Finis les petits pas, passons ensemble aux grandes enjambées !", a lancé Pierre Hurmic, maire de Bordeaux. Il a fait part de son expérience dans la promotion du vélo et le réaménagement des boulevards pour faire de la place aux transports en communs et modes doux. Malgré les critiques du départ le résultat est un succès. Il réaffirme ainsi que la situation climatique nous oblige à réinventer un nouveau monde, il faut le faire ensemble et avec pragmatisme. “L’écologie punitive c’est celle qui va nous tomber dessus demain, si on ne fait rien aujourd’hui.”
Patrice Vergriete, président de la Communauté Urbaine de Dunkerque, résume en trois points ce qui relève d'une participation citoyenne efficace :
- Expliquer pourquoi : cela permet de donner du sens aux projets ;
- Récompenser, être éco-gagnant, avec l'exemple du bus gratuit à Dunkerque ;
- Parier : si la démocratie c’est le dialogue, il ne s'agit pas tant de courage politique que du pari que la population peut changer d’avis.
Fatima Ouassak, autrice du livre “Pour une écologie pirate” (Éditions La Découverte), présentait l'initiative de la ville aux enfants pirates de Bagnolet, et les conclusions de cette expérimentation : l'importance de l’éducation populaire via les enfants. Pour elle, “il faut donner à la population le pouvoir de se saisir des sujets”. Elle résume en un mot le levier majeur : la liberté !
Pour l'écrivain et réalisateur Cyril Dion, “il faut renouveler la démocratie”. À travers l’exemple de la Convention Citoyenne pour le Climat, il montrait que donner de la responsabilité aux citoyen·nes, ça marche ! Sa conclusion : la question du sens est première. On veut tou·tes être utiles : redonner du pouvoir aux citoyen·nes permet ce sentiment. Un moyen pour y parvenir est d’utiliser l’art et l’émotion pour mettre en mouvement.
Un rendez-vous toujours inspirant et vivifiant
Au-delà des inspirations en plénière, les ateliers techniques ont permis de creuser des sujets tels que les énergies renouvelables à travers un jeu de prospective, l’économie circulaire, la méthanisation, la pyrogazéification, la démarche d’écologie industrielle territoriale (EIT), les liens entre décarbonation des industries et eau ou appropriation citoyenne... mais aussi les enjeux croisés culture et transition, ou encore les conditions de résilience dans un contexte géopolitique restreint. De quoi se nourrir et approfondir nos objets de travail !
Laure Noualhat, journaliste autrice et réalisatrice grande témoin de l'édition, a apporté son regard humoristique et caustique sur l’urgence climatique et les débats actuels. Son appel aux congressistes nous invite à nous laisser embarquer par le tourbillon de nos émotions : colère, impuissance, trouille et tristesse. ”Il faut se laisser traverser par ses émotions ; elles sont le vent dans les voiles. Un seul anxiolytique : l’action !”.