Le bien-être territorial dans la métropole lilloise : une nouvelle boussole pour accompagner la transformation de nos modèles
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- récit
Qu’est ce qui fait que l’on se sent bien sur un territoire ? C’est la question que s’est posée l’Agence de développement et d’urbanisme de Lille Métropole (Adulm), avec un ensemble de partenaires, en entamant un travail sur les indicateurs de richesse alternatifs. Quelques années plus tard, un référentiel de bien-être territorial voyait le jour. Prochaine étape ? Faire de ce référentiel un cadre de construction des politiques publiques territoriales !
Le projet en bref
Objectifs de développement durable
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La richesse d’un territoire se résume-t-elle au produit intérieur brut (PIB), au revenu moyen de ses habitants ou à son taux d’activité économique ? Qu’est-ce qui participe à rendre un territoire attractif ? Comment le mesurer ? En 2020, lorsque l’Agence de développement et d’urbanisme de Lille Métropole (Adulm) est sollicitée par la Métropole européenne de Lille (MEL) pour travailler sur ces questions, les réponses ne sont pas évidentes.
Il semble alors essentiel de s’inspirer d’autres territoires ayant créé des indicateurs de développement alternatifs : Grenoble, les Pays-de-la-Loire, l’ancienne région Nord-Pas-de-Calais… Au terme de rencontres et d’ateliers pour déterminer la démarche à adopter, il est décidé de travailler de manière collaborative. « Dans ce type de démarche, l’enjeu territorial est tel que la mobilisation des acteur·ices est essentielle, explique Bérénice Thouin, chargée d’études et pilote de la démarche Bien-être territorial à l’Adulm. On a donc souhaité former un collectif et décider ensemble de ce qu’on voulait pour notre territoire. On s’est ensuite dirigé vers les structures et personnes avec qui on voulait travailler. »
Plusieurs structures et personnes sont ainsi associées : la Métropole européenne de Lille (MEL) et son conseil de développement, le Centre ressource du développement durable (Cerdd), la Région Hauts-de-France, le laboratoire Clersé de l’Université de Lille, le SIILAB, l’Institut pour la recherche de la Caisse des Dépôts …
Le groupe projet s’associe également avec un consortium d’acteur·ices engagé·es sur la participation citoyenne (Collectif Citoyens en communs) pour renforcer cette approche : « Cela nous a permis de nous mettre dans une dynamique collective d’acteur·ices qui pratiquent la participation citoyenne, ce qui n’est pas le cas de l’Agence, et donc de nous donner de la légitimité pour creuser ce sujet, souligne Bérénice Thouin. Définir et mesurer le bien-être territorial, ça ne peut pas se faire en chambre, et il faut à tout prix associer les habitant·es.»
Accompagner la transformation de nos modèles sociaux et économiques
À la place d’un traditionnel indicateur de richesse, l’Adulm fait le choix de retenir celui du « bien-être territorial », terme permettant d’associer à la fois des déterminants objectifs (âge, taux d’emploi, etc.) et subjectifs (cadre de vie, ressenti vis-à-vis de son travail …) pour mesurer à quel point on se sent bien. L’échelle territoriale apparaît comme une évidence : ce sont les aménités (aménagements, infrastructures, paysage…), l’attachement à son lieu de vie et les conditions de vie offertes par celui-ci qui façonnent grandement notre bien-être au sein d’un territoire.
L’objectif de la démarche est ambitieux : il s’agit d’accompagner la transformation de nos modèles sociaux et économiques de manière systémique, par une démarche qui implique autant que possible les citoyen·nes, en vue d’améliorer la qualité de vie et le bien-être de tous·tes sur le lieu de vie. L’Adulm souhaite ainsi faire de cette initiative un cadre pour de futures politiques publiques, dans la métropole de Lille, mais aussi inspirer d’autres agences, collectivités ou territoires à développer des référentiels similaires.
Définir une vision commune du bien-être
Dans cette optique, les différents partenaires se sont mis d’accord sur une définition du bien-être et sur les critères à retenir pour le mesurer. « On a fait le choix de ne pas restreindre le nombre d’indicateurs, explique Louise Herry, doctorante à l’Adulm travaillant sur les indicateurs de bien-être. Le parti pris était d’avoir une sélection suffisamment large pour qu’une commune puisse décider avec ses citoyen·nes quels indicateurs sont les plus légitimes. »
Après de nombreux échanges, trois leviers d’actions sont identifiés et représentés sous forme de référentiel :
- Vivre dans un territoire, c’est avoir des liens d’attache plus ou moins forts à ce territoire, qui se nourrissent de l’expérience et des représentations ;
- Vivre dans un territoire, c’est vivre dans une communauté de vie, entretenir des relations sociales, participer à la vie en société ;
- Vivre dans un territoire, c’est s’y loger, s’y déplacer, y travailler, y étudier, y entreprendre, y pratiquer des activités, en lien avec les équipements et aménités que propose le territoire, leur qualité et leur accessibilité.
Construire ensemble aujourd’hui pour demain
Ce référentiel est ensuite affiné grâce à la participation des citoyen·nes. Des consultations ont en effet eu lieu à trois endroits différents : à Sailly-lez-Lannoy, à Lomme et au sein du conseil de développement de la MEL. À Sailly-lez-Lannoy par exemple, les habitant·es ont participé à une promenade sensible : un moment de déambulation au sein du territoire où chacun·e a pris le temps de noter son ressenti, ses émotions, son usage des aménités au sein de la ville ... De nouvelles dimensions, comme celles de la sécurité, ont par exemple pu être ajoutées dans le référentiel, donnant une perspective plus large du bien-être territorial.
S’inscrivant dans la logique du donut, développée par Kate Reworth, l’Adulm et ses partenaires souhaitent inscrire des objectifs de préservation de l’environnement dans la démarche : le bien-être territorial d’aujourd’hui ne peut se concevoir sans considérer celui des générations futures. « Le principe est de partir de l’habitant·e, donc on n’arrivait pas vraiment à intégrer cette dimension environnementale, explique Bérénice Thouin. Les personnes sensibilisées vont prendre en compte les enjeux environnementaux pour se sentir bien, mais ça n’est pas quelque chose d’évident pour tout le monde. On continue de se réinterroger sur la place de l’environnement dans la démarche, dans le référentiel et dans les temps d’animation, parce que cela nous semble absolument primordial ».
Prochaine étape : appliquer le référentiel !
Au référentiel, à la définition d’indicateurs et aux ateliers dans les territoires s’ajoute un quatrième pilier dans cette démarche : la diffusion de cette initiative. En 2025, l’Adulm sort « T.bien.ici ? », un jeu sérieux destiné à être utilisé au sein des territoires souhaitant amorcer une réflexion sur le bien-être territorial.
L’Adulm est également membre du réseau Cap Bien Vivre, et compte continuer à partager la démarche et à diffuser les supports produits. L’objectif est que les territoires puissent s’approprier ces outils pour les mettre en place, les adapter et les enrichir selon leurs besoins. Elle est ainsi régulièrement sollicitée par divers partenaires afin de parler de la démarche : par d’autres agences de la fédération nationale des agences d’urbanisme ou du réseau URBA8, mais aussi par des collectivités territoriales, des associations et autres acteurs de la société civile.
La prochaine étape ? Définir comment construire un outil de mesure du bien-être territorial à l’échelle du Schéma de Cohérence Territorial (SCoT) afin d’appliquer de manière concrète le référentiel au développement et à l’aménagement du territoire. La délibération de renouvellement du ScoT de la MEL en 2025 a par ailleurs confié à l’Adulm le soin d’effectuer les analyses et rapports nécessaires pour permettre la mise en œuvre du nouveau Schéma de cohérence.
