Lille connaît depuis quelques années les effets incommodants des îlots de chaleur. Dans le cadre d'une stratégie d’adaptation au changement climatique, les cours d’écoles publiques deviennent un terrain propice à la végétalisation. Cela fait baisser la température en ville, contribue à une meilleure gestion des eaux pluviales et rend le climat des récréations plus serein.
Si Lille ne figure pas encore dans les dix villes les plus vertes de France, la ville remonte doucement la pente. À cela plusieurs raisons : Lille est une ville à l’architecture flamande très minérale et enchâssée dans les remparts de Vauban, l’artificialisation des terres et des friches est forte, les espaces verts insuffisants.
Plusieurs dispositifs de verdissement commencent à voir le jour : végétalisation des façades des maisons et des équipements municipaux, plantation d’arbres, réaménagement des espaces publics et du parc de la Citadelle…
La démarche de renaturation prend un nouvel élan après plusieurs étés caniculaires au cours desquels le phénomène d’îlot de chaleur urbain s’amplifie avec des températures en centre ville nettement supérieures à celles ressenties dans les campagnes avoisinantes. En 2018, la Ville décide d’agir sur les cours d’écoles primaires et maternelles.
Pour une fraîcheur rayonnant dans le quartier
Portée par la direction du Projet éducatif global (PEG) de la Ville de Lille, l’opération « Végétalisation des cours d’école », partenaire du projet européen ARTISAN 2019-2027 pour « Accroître la Résilience des Territoires par l’Incitation aux Solutions d’Adaptation fondées sur la Nature », inclut plusieurs services de la ville constitués en groupe de travail transversal (nature en ville, maintenance des bâtiments, risques urbains, finances et éducation). Ces différents services travaillaient déjà en coordination sur la thématique de renaturation dans le cadre de dispositifs tels que la végétalisation des façades urbaines, la plantation d’arbres, le réaménagement des espaces publics, la réduction du béton en ville, etc. In fine et par la volonté politique, leurs compétences et expériences diverses et variées ont été réunies au sein du projet commun de végétalisation des cours d’école.
Alors que les 70 écoles publiques de la ville laissaient s’épanouir au moins un arbre dans leur cour, neuf d’entre elles étaient 100 % minérales. Pas une seule racine ni brin d’herbe sous les pieds des enfants. En lieu et place, bitume et sol souple à piétiner.
À partir de l’état des lieux recensant pour chaque établissement la part d’espace vert par rapport à la superficie de la cour, la présence ou non d’un jardin pédagogique ou d’un parc à proximité directe, trois principes de répartition des surfaces ont été adoptés pour la période 2018-2020 :
- un tiers des surfaces végétalisées ;
- un tiers des surfaces perméables ;
- un tiers des surface minéralisées.
Depuis l’été 2021, la perméabilisation progresse encore pour couvrir finalement deux tiers des surfaces des cours d’écoles, le tiers restant étant réservé à la végétalisation. Exit le béton, bonjour la végétalisation des sols et des façades d’écoles !
La nature apaise les enfants… et les grands
Ombre et fraîcheur bénéficient désormais aux écoliers en période scolaire et aux habitants du voisinage l’été, le temps des récrés est apaisé pour les enfants et les enseignants, et le drainage et la récupération des eaux de pluie s’invitent désormais dans chaque cour. Un trio gagnant.
Le projet inclut en effet la gestion durable des eaux pluviales. Pour chacune des neuf écoles, il est prévu de laisser s’infiltrer 100% des eaux pluviales à la source grâce à :
- des espaces de pleine terre ;
- des pavés drainants (d’une capacité de 540 l/s/ha) ;
- des aires d’activités sportives (en gazon renforcé de mélange gravier et de terre végétale ) ;
- du béton drainant.
Les végétaux sont arrosés grâce à l’eau des cuves de récupération d’eau de pluie. D’autres cuves, de plus petite contenance, sont aménagées à hauteur d’enfants pour les sensibiliser au cycle de l’eau. Un système aux bénéfices multiples.
Analyse de l’action
Depuis 2019, six projets de végétalisation ont été réalisés. Les trois dernières cours d’écoles le seront au cours de l’été 2022.
Les travaux suivent le calendrier suivant, rôdé depuis la première année :
- Septembre-octobre : choix de l’école par la ville
- Novembre – décembre : atelier de concertation avec tous les usagers de l’école (parents, enfants, enseignants, ATSEM, personnel d’entretien) animé par l’association Récréations Urbaines
- Décembre : élaboration du cahier de préconisations des usages par cette même association
- Janvier-février : un cabinet paysagiste rend ses préconisations d’aménagement
- Février : validation du projet par la ville, l’école et les enfants
- Mars-avril : l’appel d’offres est lancé par les services municipaux
- Vacances scolaires estivales : démarrage des travaux de gros œuvre (retrait du bitume, préparation des espaces de plantation…) et d’aménagement du mobilier
- À partir de la rentrée suivante : réalisation d’un guide des usages de la nouvelle cour d’école, avec les enfants et la communauté éducative, et fin de la pose du mobilier
- Novembre – janvier : plantations et suivi des plantations en place
Pas un projet sans l’avis des enfants
La réalisation de cours d’école à hauteur d’enfant passe par la prise en compte de leur parole. L’association Récréations Urbaines met en place des ateliers participatifs auprès des enfants et de la communauté éducative pour recueillir leurs souhaits.
Leurs vœux ? Une cabane en tressage de saule, un labyrinthe végétal « pour se cacher », des bancs sans dossier « pour se mettre à cheval dessus et parler » ou en rond autour d’un tronc d’arbre, traçage au sol de marelles et de jeux, chaises en vis à vis « pour se regarder quand on parle ». Chaque cour d’école dispose ainsi d’aménagements de mobiliers extérieurs personnalisés et évolutifs.
À la suite des réunions de concertation, des éléments incontournables ont été adoptés d’un commun accord pour toutes les cours :
- un accès à un point d’eau type fontaine à eau ;
- une cuve de récupération d’eau de pluie enterrée et extérieur ;
- un jardin pédagogique et un espace pour faire classe dehors ;
- une cour aménagée pour que chaque enfant y trouve sa place ;
- des espaces délimités de jeux pré-sportifs ou jeux d’expression et des espaces pour la détente et les papotages au calme ;
- en maternelle, des parcours moteurs pour favoriser la mise en mouvement des enfants.
Des guides d’usages de cour d’école ont été rédigés par les enfants sous la houlette de Récréations Urbaines et en lien avec le « Plan cour d’école » du Plan éducatif global (PEG) de la Ville de Lille. Leur objectif : faire respecter l’égalité filles-garçons, la mixité et la coopération dans les jeux de cour de récré.
Résultats de l’action
Le démarrage a connu quelques tâtonnements : le chantier novateur et participatif, faisant travailler conjointement plusieurs directions de services, a dû s'adapter aux demandes et contraintes des différentes parties. Les retards occasionnés par une coordination balbutiante ont permis de valider les clés d’un bon fonctionnement opérationnel pour les chantiers suivants qui se déroulent désormais de façon optimale grâce à une communication inter-services précise et coordonnée.
« La coordination entre les différents services impliqués et la transversalité réelle du projet sont la base de la réussite, précise Céline Royer-Pruvost. Sans concertation complète avec l’ensemble des usagers de l’école, corriger ce qui n’a pas été validé en amont fait toujours prendre du retard au projet. Se donner le droit d’oser, d’expérimenter, de se tromper est important. Enfin, bien communiquer sur le projet, avant et pendant le chantier en organisant des réunions régulières, permet de désamorcer les problèmes. »
100 % perméable
Pour Céline Royer-Pruvost, directrice du PEG, l’innovation du projet réside dans la prise en compte de la parole des enfants dans la décision publique, eux qui « ne croyaient pas au départ que les adultes feraient ce qu’ils souhaitaient ».
Si les études d’impact et les évaluations des aménagements sont encore en cours, les objectifs sont atteints :
- faire des écoles des lieux d’apprentissage y compris celui de la nature et des cycles biologiques ;
- atténuer les îlots de chaleur urbains en désimperméabilisant pour renaturer les espaces en les végétalisant ;
- pérenniser la ressource en eau par une gestion à la source ;
- favoriser le vivre ensemble dans et hors l’école par la réduction des nuisances sonores et l’apaisement que procure le contact avec la nature.
L’acte I du projet est en cours d’achèvement, l’acte II peut alors commencer. Il vise la désimperméabilisation de 100% des surfaces des 70 cours d’écoles restantes. Qui dit mieux ?
En quoi cette initiative est-elle bonne pour l’adaptation aux changements climatiques ?
La végétalisation des cours d’école avec la plantation d’arbres fruitiers, de potagers, de haies fruitières et la mise en place de sols perméables, participe au maintien de la biodiversité, permet de lutter contre les îlots de chaleur et favorise une gestion durable et intégrée des eaux pluviales en milieu urbain.
La sensibilisation et l’éducation à l’environnement s’apprennent ainsi dès le plus jeune âge par la démonstration et l’expérience. La végétalisation des cours d’école est également l’un des dix projets démonstrateurs du programme européen Life ARTISAN : il inspirera la création d’un référentiel pour valoriser les solutions proposées et faciliter le transfert de l’opération à l’échelle nationale.
Fiche d’identité de l’opération :
Titre de l’opération : « Végétalisation des cours d’école »
Lieu/Échelle de l’action : communale
Identification du porteur de projet : Ville de Lille
Contact : Céline Pruvost-Royer, Directrice du Projet Educatif Global, Mairie de Lille
Place Augustin Laurent CS 30667 59033 Lille Cedex Tel : 03 20 49 50 00 Mel : cpruvost@mairie-lille.fr
Partenaires : projet européen Life ARTISAN
Coût du projet : 200 000 € par école
Date de l’opération : 2018-2022
Bénéficiaires/cibles de l’action : écoliers, habitants du quartier
Le projet en bref
Titre de l’opération : « Végétalisation des cours d’école »
Lieu/Échelle de l’action : communale
Identification du porteur de projet : Ville de Lille
Partenaires : projet européen Life ARTISAN
Coût du projet : 200 000 € par école
Date de l’opération : 2018-2022
Bénéficiaires/cibles de l’action : écoliers, habitants du quartier
- 11. Villes et communautés durables
- 13. Lutte contre le changement climatique
- 15. Vie terrestre
- 3. Bonne santé et bien-être
- 4. Éducation de qualité
- 6. Eau propre et assainissement
Objectifs de développement durable
Contact
Céline Pruvost-Royer, directrice du Projet Educatif Global, Mairie de Lille
Place Augustin Laurent CS 30667 59033 Lille Cedex Tel : 03 20 49 50 00 Mel : cpruvost@mairie-lille.fr
Sur le terrain
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