Une exploitation agricole récupère la chaleur de la stabulation de vaches laitières pour chauffer l’habitation principale.
Etienne Perin s’est installé sur l’exploitation familiale en 1992. Sa volonté d’innovation le pousse à tester la récupération de chaleur de ses deux étables pour chauffer son habitation principale. Son expérimentation est un succès à double titre puisqu’elle améliorera également la santé de ses vaches.
CONTEXTE et descriptif de l'action
Le goût de l’innovation, l’ouverture d’esprit, l’organisation et la gestion de projets caractérisent Etienne Perin, gérant de l’EARL Perin-Lapinpaille à Maisoncelle, petit village du Ternois au cœur des 7 Vallées dans le Pas-de-Calais. L’ancien conseiller de gestion, qui accompagnait les agriculteurs dans leurs décisions au quotidien, a repris l’exploitation familiale de cultures fourragères et d’élevage de vaches laitières, fort de son expérience : « Très vite, je me suis impliqué dans les Groupes de Développement Agricole (GEDA) en devenant le président du GEDA du Haut-Pays et de la fédération régionale et en étant membre du FNGEDA, explique-t-il. Ces responsabilités m’ont permis d’avoir une vision plus large sur la gestion de mon exploitation et de nourrir une réflexion innovante sur le type de développement que je souhaitais. »
ANALYSE DE LA DÉMARCHE
Envie d’innovations
Etienne Perin cultive avec deux salariés 130 ha de céréales, de maïs et de pois de conserves. Son troupeau de vaches, une cinquantaine, est en prairie de mars à octobre, puis à l’abri dans une étable paillée le reste de l’année. Le fonctionnement de son exploitation s’avère satisfaisant mais Etienne Perin envisage des projets complémentaires à sa production de lait.
« J’avais envie d’innovation, de faire autre chose avec d’autres personnes, déclare-t-il. Ma réflexion s’est engagée sur quatre axes que j’ai développés pratiquement simultanément ; le photovoltaïque, la géothermie, les soins naturels (phytothérapie et homéopathie) apportés à mes vaches et la création d’un autre élevage. »
En 2010, il démarre un élevage de lapins qui s’inscrit dans une démarche de développement durable : élevage sur paille, alimentation basée sur les céréales de l’exploitation, distribution en circuit court… Il installe en même temps 300 M2 de panneaux photovoltaïques qui produisent 40 000 kWh par an, « un rendement supérieur à nos prévisions qui couvre les besoins en électricité de l’exploitation ».
Le fumier, source d’énergie
Son intérêt pour les énergies renouvelables ne s’arrête pas là. Dans le cadre d’une réflexion sur la géothermie, Etienne Perin tient un relevé des données thermiques. Le 31 janvier 2007, alors que la température extérieure est de 5°, celles de l’air de la stabulation est de 11° et de la litière paillée varie entre 31 à 42°. Mieux encore, les mesures prises à 10 cm sous terre après l’enlèvement du fumier s’élèvent entre 30 et 34°. Il relève encore une moyenne de 29,5° le lendemain et entre 30 et 32° à J+8.
L’idée germe progressivement : cette chaleur excessive et inexploitée, source de problèmes de santé récurrents constatés dans toute stabulation (mammites et infections pulmonaires), ne pourrait-elle pas être récupérée pour fournir le chauffage nécessaire à son habitation principale et à l’atelier laitier tout en réduisant la température du paillage et donc les infections ? Ces arguments finiront de convaincre Etienne Perin de se lancer dans l’expérimentation.
Une première en France
Renseignements pris, une exploitation agricole, dans la Manche, a tenté ce même processus de géothermie, couplé à des panneaux solaires, qui ne sert qu’à chauffer un bureau et un local technique. En 2010, Etienne Perin contacte son chauffagiste habituel et un fabricant de pompes à chaleur (PAC). Il les persuade d’essayer la géothermie en récupérant la chaleur produite par le fumier de ses deux stabulations d’une superficie totale de 500 m2.
Le fabricant met au point une pompe à chaleur de 15 KwH installée dans la cave de l’habitation principale. Reliée à un réseau souterrain de serpentins installé sous la stabulation, la pompe à chaleur transforme les calories captées en sous-sol en eau chaude sanitaire et chauffage. Avec ce procédé, l’eau refroidie est renvoyée dans le réseau souterrain, diminuant ainsi la température de la litière paillée.
De multiples sondes et capteurs équipent le système. Ces relevés réguliers de température, sous le fumier et à d’autres points intérieurs et extérieurs de la stabulation, permettent la gestion programmée et informatisée de la pompe à chaleur. La mise en œuvre du système a été rendue possible par la proximité de l’étable, distante seulement de 50 mètres de la maison principale.
Les travaux de terrassement ont consisté à creuser le sol en terre de la stabulation à une profondeur de vingt centimètres pour y installer le réseau souterrain de tuyaux et de capteurs. L’ensemble a été ensuite recouvert de terre tassée et aplanie et de la couche de paille de la litière. Ce système permet en plus d’espacer de 4 à 6 semaines le changement de la litière transformée en fumier.
Gain économique
Etienne Perin réalise une économie de 4 500 litres de fioul par an, soit 3 500 €, dont il faut déduire le coût du fonctionnement de la PAC, soit 1 200 € d’électricité par an. L’indice de rendement (C.O.P.) annuel est ainsi de 3,5.
L’habitation principale de 210 m2 est chauffée en hiver en permanence à 20° dans toutes les pièces. La pompe à chaleur permet également de chauffer l’eau chaude sanitaire et l’atelier laitier. Seuls les lapins, arrivés après les premiers plans de la géothermie, ne profitent pas de cette manne de chaleur.
La consommation électrique globale de l’exploitation – bâtiments agricoles et habitation - est évaluée à 700 € par mois, largement compensée par la revente de la production photovoltaïque.
Et bien-être animal
La diminution de température de la litière paillée a apporté, à la grande surprise d’Etienne Perin, un gain considérable de confort sanitaire pour ses animaux. En effet, au delà de 35°, le développement microbien est tel qu’il provoque des mammites chez les vaches laitières, traitées par antibiotiques. « Ces traitements ont un coût, celui des antibiotiques mais aussi celui du lait impropre à la consommation pendant la durée du traitement et que l’on doit éliminer », précise Etienne Perin.
Le risque de mammite a ainsi considérablement diminué et l’éleveur a également opté pour une alimentation plus riche en fibre et des soins alternatifs (phytothérapie, homéopathie et aromathérapie). Le gain est non seulement sanitaire – l’état de santé de ses vaches s’est amélioré - mais également économique, l’achat d’antibiotiques représentant 1885 € en 2011 contre seulement 150 € en 2014, y compris le coût du lait temporairement impropre à la consommation.
Toujours président du GEDA, et maire de Maisoncelle depuis avril 2014, Etienne Perin souhaite désormais sensibiliser les 300 adhérents du groupement aux expérimentations qu’il a mises en œuvre chez lui, tant sur le plan de la récupération de chaleur et des économies d’énergie que sur le plan des soins alternatifs à prodiguer au bétail. Il envisage d’ailleurs de créer un groupe d’une vingtaine d’agriculteurs prêts à s’engager sur trois ans dans cette démarche. Histoire d’essaimer…
FICHE D'IDENTITÉ
Lieu/échelle d'intervention | Maisoncelle, petit village du Ternois. |
Identification du porteur de projet | Earl PERIN, Etienne Perin |
Partenaires | |
Indicateurs de moyens et de résultats |
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Période de réalisation |
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Bénéficiaires / cibles de l'action | Les agriculteurs. |
Documents de référence disponibles |
Sur le terrain
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