Mis à jour le 9 septembre 2019

Quelle est la conséquence d’un comportement pro-environnemental, comme choisir le vélo plutôt que la voiture lors du trajet domicile-travail ? Nous savons que ce choix aura un effet direct, celui d’éviter l’émission de gaz à effet de serres. Toutefois, ce premier comportement permettra-t-il d’enclencher une action plus large, en encourageant de nouveaux comportements pour l’individu et ainsi d’initier un cycle vertueux pour l’environnement ?

spillover © jon morre unspash

À l’heure où la Sobriété Énergétique représente l’un des volets majeurs permettant de répondre aux enjeux de l’atténuation du réchauffement climatique, des chercheurs se sont penchés sur la question du spillover comportemental, c’est-à-dire la conséquence de l’adoption d’un nouveau comportement pro-environnemental sur les autres pratiques subséquentes de ce même individu.

En s’appuyant sur "trois papiers scientifiques récents" (2014, 2018 et 2019), cet article a pour ambition de dresser un premier état des lieux du spillover et de conduire à quelques préconisations pour les décideurs politiques et les techniciens des collectivités.

Le Spillover comportemental, une notion plutôt récente

Le spillover, ou « débordements » si l’on traduit littéralement, représentent dans le cas des comportements pro-environnementaux les effets de l’adoption d’une première pratique bénéfique pour l’environnement sur une deuxième pratique. Par exemple, lorsqu’un individu trie ses déchets, cela a-t-il une incidence sur sa consommation de chauffage ou encore son utilisation de la voiture, et si cela est le cas, est-elle positive (moins consommer, moins prendre sa voiture) ou négative (augmenter sa consommation, son empreinte carbone) pour la planète ?

La revue de littérature la plus approfondie sur le sujet date de Novembre 2014 et s’intitule "Positive and negative spillover of pro-environmental behavior: An integrative review and theoretical framework”. Elle est complétée par l’étude d’Avril 2019 : "Meta-analysis of pro-environmental behaviour spillover”.

De plus, le programme PRAIRIE (Programme de Recherche pour une Approche Intégrative de la Réduction de l'Impact Environnemental) financé par l’ADEME travaille sur des problématiques similaires, en associant 4 universités dont celles de Lille et d’Amiens. Le pré-rapport d’octobre-novembre 2018 est très complet et permet d’explorer en profondeur cette notion de spillover.

Des Spillovers qui peuvent être positifs ou négatifs

Les différentes études ont permis de mettre en évidence des spillovers Positifs et des spillovers Négatifs, dont la liste a été synthétisée par les chercheurs de PRAIRIE. Il est à noter que cette liste n’est pas exhaustive, d’autres effets de spillover seront peut-être démontrés par la suite.

Le spillover comportemental positif peut actuellement se répartir de deux manières :

  • Effet de Cohérence : qui se caractérise par le fait de se comporter d’une manière vue comme favorable pour l’environnement pour se conformer à son image publique
  • Effet Identitaire : qui est similaire mais se rapporte à l’image personnelle de l’individu (un individu qui se définit comme « éco-responsable » et qui, pour éviter la dissonance cognitive, adoptera réellement des comportements de sobriété énergétique).

Le spillover comportemental négatif peut aujourd’hui se différencier de 3 façons :

  • Effet Rebond : se retrouve exclusivement chez les individus ayant réalisés des rénovations énergétiques dans leur domicile et qui ont tendance à augmenter le chauffage.
  • Biais de l’Action Unique : quant à lui se distingue par le fait d’adopter un comportement néfaste pour l’environnement en se déculpabilisant à l’aide d’un premier comportement bénéfique pour l’environnement (un individu qui trie ses déchets s’autorisant donc à prendre régulièrement sa voiture).
  • Licence Morale : qui a la particularité de fonctionner à l’envers des Effets de Cohérence. Par exemple, un individu qui est vu par tous ses collègues comme une personne positive pour l’environnement et qui, une fois certain que son image publique ne sera pas entachée, adoptera des comportements mauvais pour l’environnement par facilité.

Des tendances dessinées qui peuvent aider à la décision

Dans la publication "Meta-analysis of pro-environmental behaviour spillover”, les scientifiques ont cherché à déterminer des tendances mettant en évidence des processus conduisant à des spillovers positifs ou négatifs. La conclusion de cette étude est éclairante ; en ayant compilé des dizaines de recherches sur le sujet, les scientifiques sont capables de vérifier plusieurs hypothèses :

Spillovers comportementaux négatifs :

  • Lorsqu’un comportement pro-environnemental est issu d’une incitation financière, les individus qui l’adoptent ont tendance à réaliser, par la suite, des comportements néfastes pour la planète dans leurs autres pratiques.
  • Il en est de même pour un comportement pro-environnemental issu de discours culpabilisants, les individus qui l’adoptent ont également tendance à réaliser, par la suite, des comportements néfastes pour l’environnement.

Spillovers comportementaux positifs :

  • Lorsque deux comportements pro-environnementaux sont perçus comme « proches » (comme trier ses déchets et composter par exemple), réaliser le premier entraîne plus facilement la réalisation du deuxième.
  • Lorsqu’un comportement pro-environnemental est issu de l’identité environnementale personnelle (un acte engageant), il entraine plus facilement de nouveaux comportements bénéfiques pour l’environnement de la part de l’individu.
  • Pour la liste des hypothèses vérifiées ou écartées, rendez-vous sur le site Nature (article payant disponible uniquement en anglais).

Ces tendances peuvent être utiles à connaître pour les décideurs politiques. En effet, elles permettent de montrer que certaines politiques publiques ont des impacts parfois sous-estimés, autant de manière positive que négative. Cela se retrouve dans une partie du travail de PRAIRIE, qui en menant et analysant des questionnaires, des focus groupe ainsi que des entretiens qualitatifs en direction des familles ayant participées aux Défis Famille Zéro Déchet et Famille à Énergie Positive d’Amiens Métropole et de la Métropole Européenne de Lille, pourra appuyer ou contredire les externalités de ces défis.

En outre, une collectivité qui chercherait à installer des composteurs sur son territoire pourrait, en se basant sur ces études, proposer des ateliers complémentaires sur le Zéro Déchet, ou réaliser des conférences pour expliquer les liens entre les différents comportements pro-environnementaux et ainsi bénéficier des effets de spillovers positifs.

Rédaction : Colas Deffontaines

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