Fourmies, qui connut son apogée économique en d'autres siècles, s'est donné les moyens, et une méthode, pour avancer à nouveau vers un futur "durable et entreprenant".
La transition énergétique et numérique, c'est par où ? Autrement dit, quelles voies doit emprunter une ville comme Fourmies (12 600 habitants, Nord), pour construire un nouveau développement marqué du sceau de la troisième révolution industrielle (rev3) ? La cité est engagée depuis trois ans dans ce parcours, avec des acquis et des limites.
Au départ, elle alignait quelques handicaps : un taux de chômage flirtant avec les 35 %, un indice de développement humain inférieur à la moyenne régionale, un certain enclavement au sud du département, entre Belgique et Picardie, conjugué à un manque de mobilité de la population. Mais l'ancien pôle mondial de la laine, à tout jamais marqué par la répression d'un mouvement ouvrier, pouvait se prévaloir de son histoire économique et sociale. Le territoire dispose encore de points d'appui précieux : plusieurs entreprises performantes, une activité agricole dynamique et soucieuse de l'environnement, un patrimoine naturel diversifié.
Une ferme résolution
Succédant à des prédécesseurs communistes, Mickaël Hiraux a été élu maire en 2014 (aujourd'hui ex-LR). Son principal engagement était d'organiser le renouveau de Fourmies : la première voie du changement est bien celle de la volonté politique. La jeune municipalité a adopté une stratégie fondée sur la perspective décrite par le prospectiviste américain Jeremy Rifkin : une "troisième révolution industrielle" (rev3/TRI) est en cours, basée sur les énergies renouvelables, leur production par des bâtiments intelligents, leur partage par des réseaux informatiques et leur usage au service de la mobilité.
A Fourmies, sortie des forges de la première révolution industrielle et ruinée par la deuxième, les élus, à l'instar de ceux de Grande-Synthe et Loos-en-Gohelle, ont ajouté les principes d'efficacité énergétique, d'économie de la fonctionnalité et de la coopération, d'économie circulaire et de gouvernance partagée. Ainsi, "rev3" allait devenir un axe structurant des politiques communales.
Films et rencontres
Fourmies a constitué une cellule dédiée au sujet. Dirigée par Marie Henneron, elle compte deux animateurs spécialisés dans le numérique, un chargé de mission énergie/mobilité et une assistante. Sa première tâche a été de faire connaître rev3 et de donner à voir ses possibles incarnations locales. Un film court produit en 2015 a campé le portrait d'une ville jadis pionnière, qui pouvait à nouveau prétendre à "un futur durable et entreprenant".
Trois voyages d’étude « DDTour » du Cerdd ont permis d’emmener élus, acteurs économiques et habitants à la découverte d'autres villes en transition (Loos-en-Gohelle, Grande-Synthe). En juin 2016, une conférence a rassemblé plus de 400 personnes au théâtre de Fourmies : la Région, la CCI, l'Ademe y ont dit tout le bien qu'ils pensaient de l'action en cours.
Un autre clip, en 2017, a présenté les premières réalisations et les projets correspondants. En novembre 2017, la crédibilité de la démarche a été renforcée, et les moqueries dissipées, quand Jeremy Rifkin lui-même visite la cité, à l'occasion des premières rencontres territoriales Rev3.
Les habitants, acteurs des projets
"Les habitants savent aujourd'hui ce qui se trouve derrière le sigle un peu barbare de la TRI, assure Marie Henneron. Ils ont compris que c'était un processus innovant, qui réveillait la commune".
A la volonté de la Ville devait s'ajouter celle de la population. Des "vrais gens" ont participé aux rencontres territoriales, venant expliquer, par exemple, comment leur vision des questions énergétiques et leurs pratiques avaient changé. De futurs bacheliers en "sciences et techniques de l'industrie et du développement durable" du lycée Camille Claudel ont présenté au public une maquette d'un véhicule du futur, inscrit dans le sillon des voitures créées dans les années vingt par l'ingénieur fourmisien Paul Genestin.
Hors de ces temps forts, tous les projets issus de la stratégie Rev3 sont d'abord soumis à des habitants intéressés, explique encore Marie Henneron. Ils en évaluent la pertinence et en étudient les modalités. Ce sont les chemins du partage, qui rejoignent une préoccupation essentielle du Cerdd sur la rev3 citoyenne.
Un cœur numérique
Moyennant quoi, selon le film produit par la Ville en 2017, la Fourmies "prévoyante, besogneuse, appliquée et infatigable" se transforme peu à peu en un "Phénix", cet oiseau qui renaît de ses cendres. Dans l'ancienne capitale textile bat désormais un "cœur numérique" : le "Labo" un tiers-lieu rural où les habitants de la communauté de communes du Sud-Avesnois peuvent utiliser gratuitement des imprimantes 3D, une découpeuse laser, une thermoformeuse et travailler dans un espace de coworking et une salle de réunion connectée.
L'investissement s'est élevé à plus de 230 000 €. Le fonctionnement, incluant le salaire de deux animateurs, coûte 75 000 € par an. "Ce n'est pas anodin mais ça a du sens", commente Marie Henneron. Ce tiers-lieu solidaire, qui a bénéficié du soutien financier de la Région des Hauts-de-France et de la fondation Orange, a accueilli près de 2 500 personnes en dix-huit mois. Il devrait quitter bientôt ses locaux préfabriqués et se déployer dans une friche commerciale du centre-ville, à côté d'un restaurant et d'une salle de musique.
Pari sur le solaire
Pour y voir clair en matière énergétique, Fourmies a commandé une étude au cabinet Cohérence énergie. Elle a révélé que 23 M€ étaient dépensés en carburant, gaz et électricité chaque année dans le territoire. La commune elle-même y consacre 1 M€ sur un budget de fonctionnement de 15 M€. La plupart des équipements communaux sont énergivores. Idem pour les logements des particuliers : près de 40 % des ménages de Fourmies croulent sous ces charges.
La Ville, après concertation, a décidé de sortir de cette situation par le haut, c'est-à-dire au moyen d'énergies renouvelables. Elle s'est fixé le cap d'une production autonome en 2050, à base de solaire photovoltaïque, d'exploitation du bois, de méthanisation et d'éolien. Les habitants seront invités à participer à cet élan, à travers un investissement financier dans une "coopérative énergétique", encore en chantier.
Depuis 2016, ils peuvent trouver tous les services utiles à la réhabilitation de leurs biens dans un "guichet énergétique" municipal, à commencer par des diagnostics par caméra thermique. D'ici à 2030, l'équipe de Mickaël Hiraux entend améliorer les performances thermiques des deux tiers de son patrimoine, soutenir la réhabilitation de 120 à 160 maisons particulières, mettre en service une grande chaufferie bois et produire 32 Gwh d'électricité photovoltaïque (trois écoles seront prochainement équipées en panneaux dans le cadre du programme Interreg "Solarise").
Une démarche exigeante
Parmi les autres projets, on citera la mise au point d'un système de restauration scolaire axé sur le local et le durable. Et l'aménagement d'un "quartier rev3" près de la gare (150 à 450 logements très basse consommation, avec la nouvelle cuisine centrale, une serre maraîchère, une école et une piscine, le tout alimenté par une boucle énergétique) ; ici encore la population a contribué à l'élaboration du référentiel.
La concrétisation de ces intentions n'est pas exactement un fleuve tranquille. Ce que propose le service TRI, incluant l'écriture de cahiers des charges particuliers et la recherche de subventions, est plus compliqué, parfois plus insécurisant que ce qui se pratiquait jusque là en mairie. Il faut donc veiller à créer des ponts, à rapprocher les cultures et les pratiques, à faire converger les compétences, explique Marie Henneron.
S'agissant des prestataires extérieurs, c'est un peu la même chose : si certains bureaux d'études, architectes ou artisans sont au fait des questions de sobriété et de production énergétiques, de construction durable ou de développement numérique, d'autres doivent encore cheminer. La Ville accompagne ces nécessaires évolutions, notamment par le recours à une assistance à maître d'ouvrage.
Des effets tangibles
Les initiateurs de la transition ont déjà reçu de puissants encouragements, au premier rang desquels les reconnaissances de la Région, de l'Etat et de l'Ademe. Le maire de Fourmies a été appelé à témoigner dans plusieurs villes de France. "L'image de la cité a changé et c'est énergisant", affirme Marie Henneron.
La ruche d'entreprises est pleine et un investisseur propose d'en construire une deuxième. De jeunes ingénieurs ont choisi Fourmies pour développer un prototype de voiture de luxe. Le centre de formation des compagnons du tour de France d'Arras vient d'implanter une antenne dans la commune. L'école vétérinaire de Maison Alfort, intéressée par l'activité d'élevage bio dans le secteur, a la même intention.
Sur un mur de l'hôtel de ville est inscrite, depuis de longues années, cette citation de Victor Hugo : "Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent". Fourmies s'y reconnaît toujours et y ajoute l'espoir concret du rebond !
Fiche d'identité
Ville de Fourmies : 12 600 habitants
Maire : Mickaël Hiraux
Budget : 10 M€ en investissement
Action évoquée dans la fiche : transition énergétique et numérique de la commune.
Labels : label Ademe "démonstrateur de ville en transition" / label "démonstrateur régional Rev3"
Partenaires : Etat, Région, Europe, communauté de communes du Sud-Avesnois.
Ressources : https://www.fourmies.fr
Contact : Marie Henneron - T : 03.27.59.69.51 - mhenneron@mairie-fourmies.fr
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