Rencontre avec Sébastien Deviers, chargé de mission développement économique du Pays Pévèlois.
Analyse de la situation
Des entreprises du bâtiment de la Pévèle se préparent à se lancer collectivement dans l’éco-construction et l’éco-réhabilitation. L’objectif n’est pas seulement commercial : elles visent ensemble l’excellence thermique.
Le Pévèlois, territoire rural situé au cœur de l’aire métropolitaine lilloise, compte la plus forte densité artisanale du département du Nord, en particulier dans les métiers du bâtiment. On y trouve 140 artisans pour 10 000 habitants dont 543 entreprises du bâtiment. La Pévèle est en quelque sorte la réserve artisanale de l’aire métropolitaine lilloise.
La pérennité de la filière en jeu
L’Association du Pays Pévèlois, qui rassemble cinq communautés de communes, s’est inquiétée des effets du Grenelle de l’environnement sur l’activité du secteur. « Si nous ne prenions pas rapidement la mesure des enjeux liés à l’éco-construction, il y aurait eu de gros impacts sur l’économie locale », explique Sébastien Deviers, chargé de mission développement économique. Il serait bien dommage que les locaux passent à côté de leur avenir, d’autant plus qu’avec un revenu médian supérieur à la moyenne nationale, la population de la Pévèle représente un potentiel de commandes solvable. C’est de là qu’est partie l’idée de structurer une filière éco-rénovation sur le Pays Pévèlois.
Agir sur l’offre et la demande
« Pour qu’une offre et une demande émergent simultanément dans l’éco-construction, l’éco-réhabilitation et les éco-énergies, il était nécessaire d’agir à la fois sur les professionnels du bâtiment, les particuliers et les collectivités », explique Sébastien Deviers. L’association du Pays Pévèlois a donc d’emblée chercher à amener un nombre important d’entreprises locales à maîtriser les techniques nouvelles et, d’autre part, à sensibiliser les particuliers et les collectivités, futurs clients et prescripteurs, aux enjeux environnementaux et aux techniques disponibles. L’association du Pays de Pévèlois accompagne l’émergence du groupement d’entreprises et l’anime. Dans sa première phase d’action, encore en cours, elle aide les entreprises à se connaître et à se définir un sens commun. Dans un second temps, elle les conduira à s’organiser pour répondre de manière groupée aux appels d’offres, jusqu’à ce que le groupement adopte une forme juridique propre et vole de ses propres ailes.
Marquer les esprits
Le programme d’action de l’association de territoire a débuté par une action « coup de poing », conçue pour frapper les esprits et prouver la nécessité de lutter contre les passoires énergétiques. La Pays Pévèlois a réalisé quinze audits environnementaux et énergétiques sur des maisons individuelles construites avant 1989 et dont les propriétaires souhaitaient réaliser des travaux d’économies d’énergie. Puis, le Pays Pévèlois a repris à sa charge en 2011 le salon Eco-Energies, organisé chaque année depuis 2008 à Phalempin. Il l’a transformé en salon « Eco-construction et Eco-Rénovation », avec l’aide de l’ADIL (Agence Nationale pour l’Information sur le Logement) et du Cd2e (centre de développement des éco-entreprises). Il est parvenu à faire participer seize entreprises du territoire, qui ont démontré les pratiques locales et les compétences disponibles. Le salon a eu du succès : le nombre de visiteurs a été triplé en trois ans avec 900 visiteurs en 2012 et le Pays Pévèlois est parvenu à convaincre plusieurs chefs d’entreprise de réfléchir à la constitution d’un groupement d’entreprises.
Une grappe d’entreprises se forme
L’association de territoire a également organisé les rencontres avec des élus et des architectes-urbanistes pour les sensibiliser au fait que « des projets d’habitat durable se trouvent bloqués parce que la plupart des Plans Locaux d’Urbanisme de la Pévèle interdisent l’usage de certains matériaux en façade ou sur les toitures ». Des formations ont aussi été proposées aux chefs d’entreprises, sur l’étanchéité à l’air par exemple, et une étude menée sur l’appropriation de la RT2012 par les entreprises locales. Ces rencontres ont porté leurs fruits : des entrepreneurs ont pris conscience que les nouvelles exigences thermiques nécessitent une parfaite coordination technique des travaux et des différentes professions du bâtiment et ont souhaité élaborer une charte qualité commune. « Il ne suffit plus que chacun soit bon dans son domaine. L’étanchéité à l’air d’un bâtiment dépend à la fois de la pose des menuiseries, du circuit électrique et, au final, de la qualité du travail de chaque corps de métier », explique Sébastien Deviers.
Dix-huit professionnels signent la charte QualiPévèle
Les entreprises à l’origine de la charte se sont accordées sur des valeurs et une définition de la qualité. Leurs engagements s’expriment dans les trois dimensions du développement durable : économique, sociale et environnementale. Ainsi la charte stipule que « les entreprises QualiPévèle recherchent la réduction de la facture énergétique de leurs clients ». Ou encore : « Pour les rénovations d’ampleur, les entreprises QualiPévèle recommandent de réaliser un diagnostic avant travaux, d’avoir le soutien d’un bureau d’études pour coordonner les travaux et de solliciter un bureau de contrôle pour s’assurer du résultat obtenu ». Dix-huit entreprises ont signé la charte QualiPévèle à l’occasion du salon Eco-construction et Eco-Energies en octobre 2012. Pour les clients, c’est la promesse d’une offre simple et rassurante : tous les artisans du groupement partagent les mêmes objectifs de qualité et savent travailler ensemble. Pour les entreprises, cette démarche est un moyen d’améliorer leur performance technique, de trouver des partenaires de confiance et de se faire connaître.
Des entreprises unies par un code
Entrer dans le groupement n’est pas donné à toutes les entreprises. Un règlement intérieur fixe les obligations des adhérents, comme la cooptation par 75 % des membres du groupement à l’issue d’une période de probation. Les professionnels doivent aussi se former régulièrement. Un programme d’ateliers théoriques, de mini-visites de sites et d’éduc-tour leur est proposé. Les entreprises de la « grappe » prévoient aussi d’avoir un site Internet commun et de répondre ensemble aux appels d’offres dès 2013. Les entreprises souhaitent aussi regarder du côté du Tournaisis pour savoir comment s’organisent les voisins belges.
Un besoin d’accompagnement
Les entreprises n’auraient-elles pas pu aller seules, sans l’aide du Pays Pévèlois, dans cette voie incontestablement d’avenir ? Difficilement en tout cas et pour plusieurs raisons. D’abord, le grand public a beau rêver d’un habitat plus sain et plus respectueux de l’environnement, il ne connaît pas bien les techniques d’éco-construction et d’éco-réhabilitation et les pense parfois inaccessibles. Il fallait donc qu’un acteur les sensibilise. Du côté des entreprises, malgré l’enjeu économique, il s‘avère assez difficile de mobiliser les artisans sur le thème de l’éco-construction. « Les professionnels du bâtiment ne sont traditionnellement pas très disponibles pour des démarches de formation à des techniques nouvelles, surtout si leurs carnets de commande sont bien remplis », indique le représentant du Pays Pévèlois. D’ailleurs même accompagnées, seule une dizaine d’entreprises sont très impliquées depuis le début de l’opération. « La dynamique collective représente un changement profond de pratiques chez les artisans et engage l’image de marque de chacun ». Un effort pas facile donc, mais sans aucun doute payant.
Fiche d’identité :
- Contact : Sébastien Deviers, chargé de mission développement économique du Pays Pévèlois au 03 20 59 30 76.
- Date de l’opération : août 2011
- Durée de l’opération : 19 mois
- Montant de l’opération : 84 275 €TTC
- Financement : prise en charge FRAMEE : 53 %, FEDER : 18%, FISAC : 9%
- Nom de la structure Pays Pévèlois
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