Le programme d'actions de prévention contre les inondations de la Bresle, la Baie de Somme et l'Authie (PAPI BSA) est un projet très ambitieux. Son objectif ? La coordination d'opérations sur trois départements côtiers et 110 km de côte, afin d'y mettre en sécurité les personnes et les biens de façon cohérente.
Analyse de l'initiative
Après la tempête Xynthia en 2010, l’État a demandé aux territoires côtiers allant de Berck-sur-Mer (62) au Tréport (76) de se doter d'un PAPI, un outil de contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales qui permet la mise en œuvre d'une politique globale de gestion du risque d'inondation à l'échelle d'un bassin.
Falaises, galets, dunes, estuaire, le profil de ce trait de côte est diversifié ce qui amène différents types de risques : submersions, mais aussi érosion des cordons dunaires et éboulements de falaises par blocs. Les risques d'inondations ont certes existé de tout temps, mais on s'attend à les voir s'accentuer avec le dérèglement climatique : montée des eaux, tempêtes de plus en plus fréquentes et sévères, brèches dans les digues, érosion des rivages notamment effondrement de falaises...
Le Syndicat Mixte Baie de Somme Grand littoral Picard et la communauté d'agglomération des Deux Baies en Montreuillois sont maîtres d’ouvrage sur leurs territoires respectifs. Labellisé en 2015, ce programme s'achèvera fin 2023. Jusqu'alors, « chaque commune montait ses digues, témoigne Lisa Kundasamy, chargée de mission PAPI au SMBS-GLP. Avec le PAPI, les problèmes sont abordés de façon globale, il y a une cohérence dans nos mesures ». D'autant que trois départements sont concernés !
Informer
Certes, ces territoires côtiers ont toujours su s'arranger avec les entrées d'eau dans les territoires. Mais leur population a changé, elle est moins consciente des risques d'inondations, d'une part parce qu'il y a plus de protections qu'auparavant, et de l'autre parce qu'une partie des habitant·es ne vient ici que pour les vacances. Elle doit donc être d'autant plus informée qu'avec le changement climatique les inondations sont des risques plus prégnants. C'est le 1er axe de ce PAPI, l'« amélioration de la connaissance et de la conscience du risque ».
Début 2020, les actions de sensibilisation ont permis d'expliquer les risques aux plus jeunes. De mini villages-expositions intitulés « Habiter au bord de l'eau, vivre avec les inondations » ont été montés avec le syndicat mixte AMEVA, et l'IFFO-RME, et avec la participation de diverses associations impliquées dans la problématique. Des écolier·ères du CE2 au CM2 ont pu participer à de petits ateliers de 10-15 minutes pour découvrir les mécanismes de montée des eaux, comprendre la différence entre une inondation par submersion ou par brèche, savoir quoi faire en cas d'urgence...
A Cayeux-sur-mer, une sortie de terrain a même été possible ! Les enseignant·es avaient reçu au préalable des livrets pédagogiques leur permettant de préparer la visite. Ce village a été prévu pour être itinérant, et le redeviendra dès la crise sanitaire de la Covid 19 passée. Toujours afin d'informer au maximum les habitant·es, une salle dédiée est ouverte depuis mai 2021 dans la Maison de la Baie de Somme, avec un dispositif interactif.
Alerter et gérer la crise
Le 2ème axe du PAPI porte sur la surveillance, la prévision des crues et des inondations. Un houlographe sera mis en place au large de Cayeux-sur-mer, pour enregistrer les hauteurs et fréquences de houle. Corrélé aux informations récoltées par une sonde marégraphique, il va permettre de disposer de chiffres plus précis. Il n’existait plus de houlographe au droit du territoire depuis 2001, ainsi, des affiches seront posées dans les ports pour expliquer son rôle aux usagers de la mer.
L'arrêté du 7 avril 2017 précise que le classement des systèmes d'endiguement, défini par des études de danger, conformément aux compétences de la GeMAPI, doit posséder un instrument de mesure local afin de déterminer précisément les niveaux d'eau au pied des ouvrages et le houlographe entre dans ce cadre. Les études de danger vont par ailleurs permettre de poser sur papier les responsabilités et la chaîne de gestion de crise, afin de disposer d'un système d'alerte cohérent sur le territoire.
C'est l'axe 3 de ce PAPI : l'alerte et la gestion de crise. Les études de danger seront déposées en préfecture, et tout un circuit sera mis en place afin que l'alerte circule de façon fluide et rapide parmi les décisionnaires. Quant aux habitant·es, c'est leur commune qui doit avoir mis en place un Plan communal de sauvegarde (PCS), afin de les alerter. Le PAPI prévoit aussi de solliciter les communes concernées par la mise en place de leurs PCS.
Outre la prise en compte du risque inondation dans l'urbanisme (axe 4), le PAPI prévoit aussi de proposer des diagnostics de vulnérabilité pour les entreprises, les établissements recevant du public (ERP) et les particuliers. Il s'agit d'identifier sur leurs bâtiments les mesures obligatoires à mettre en place dans le cadre d’un Plan de Prévention des Risques, type zone refuge, sortie sur le toit, arrimage de fûts. Faute d'application, les assurances n'auront plus l'obligation de rembourser les dommages en cas d'inondation. Un bureau d'études est chargé d'effectuer 500 diagnostics, tout public confondu d’ici fin 2023.
Les axes 6 et 7 concernent la gestion hydraulique : comment ralentir les écoulements et gérer les ouvrages de protection. Les études ont commencé par établir un plan de sécurisation des ouvrages. Il faut vérifier les nécessités techniques des actions imaginées, et au cours de réunions de concertation, s'assurer de l'acceptation de ces actions par la population. Une fois les scenarii mis au point, les élu·es et l’État se prononceront, à l'été 2021.
Question de temps
Tout ce travail se révèle extrêmement long. « Nous avons commencé en 2015, rappelle Lisa Kundasamy. Avec 7 axes, 95 actions, de très nombreux interlocut.eur.rice.s (NDLR : cf ci-dessous), la population est parfois un peu perdue, nous devons constamment réexpliquer le projet, les objectifs, l'intérêt général. Il s'agit d'un programme de 50 millions d'euros, donc extrêmement coûteux.
Nous avons de multiples financeurs, l’État bien sûr, mais aussi l’Europe, la Région, les départements, les EPCI, les agences de l'eau... Il n'y a pas de pratique commune ! Les conventions nous ont fait perdre beaucoup de temps. Pour le PAPI 2 qui se profile, nous allons mieux nous mettre d'accord, organiser au plus tôt une réunion avec nos partenaires afin de définir les modes de fonctionnement, essayer d'unifier les pratiques et les dates, prévoir des conventions uniques. Plus un projet est monumental, plus il faut prévoir de souplesse ».
Prochaine étape ? Mi 2022, le dépôt de documents réglementaires pour entamer les travaux dès fin 2023. Parmi les travaux prévus, le rehaussement de certaines digues, le réaménagement du front de mer à Ault. Ses falaises s'éboulent et ont été protégées par une casquette, il s'agira de le rendre accessible aux piétons et aux véhicules légers, tout en réfléchissant à l'attractivité du centre-bourg afin de mieux répartir les flux de visiteur·ses.
Ici comme tout le long de la côte, le vent, la mer, la pollution mais également les eaux pluviales et usées urbaines continuent inlassablement d'éroder les dunes et les falaises, d'emporter les galets loin des plages. La mer rentrera encore et encore. Les modélisations du PAPI tiennent compte des hauteurs d'eau prévues en 2065. On y sera vite !
EN QUOI CETTE INITIATIVE CONTRIBUE-T-ELLE À L'ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE ?
Avec le changement climatique, on craint la hausse du niveau de la mer et l’augmentation de la fréquence des événements tempétueux. Les travaux prévus vont contribuer à la consolidation ou la construction d'ouvrages de protection, en optimisant les coûts de plus en plus élevés pour les communes et les collectivités, tout en initiant une trajectoire d’adaptation du territoire à ces risques croissants. Il s'agit aussi d'accompagner les personnes qui seront de plus en plus exposées aux risques.
FICHE Identité
Lieu : De Berck (62) au Tréport (76) en passant par la baie de Somme et l'estuaire de la Bresle (80)
Structure : Syndicat mixte Baie de Somme Grand Littoral Picard, 1 rue de l'Hôtel-Dieu 80100 Abbeville
Contact : Lisa Kundasamy, chargée de mission PAPI
Tél : 03 22 20 11 77
Mobile : 06 15 03 16 87
Période de réalisation : Depuis 2015
Bénéficiaires : Ensemble des habitants de la côte, soit environ 70 000 habitants à l'année
Partenaires :
État, Feder Nord-Pas-de-Calais, Feder Picardie, Région Hauts-de-France, Département de la Somme, Syndicat mixte Baie de Somme Grand Littoral Picard, Communauté d’Agglomération des Deux Baies en Montreuillois, Agence de l'eau Seine-Normandie, Agence de l'eau Artois-Picardie, Département de la Seine Maritime, la Communauté de communes des Villes sœurs, La communauté d’Agglomération de la Baie de Somme, la Communauté de Communes Ponthieu-Marquenterre
Documents de référence : https://www.baiedesomme.org/themes/2215-1001-la-strategie-littorale
- 11. Villes et communautés durables
- 17. Partenariats pour la réalisation des objectifs
- 6. Eau propre et assainissement
Objectifs de développement durable
Sur le terrain
Découvrez ces initiatives sur le terrain avec notre offre de visites DDTour