Gaspillage alimentaire : du diagnostic à la lutte
Mis à jour le 4 juin 2019
Enjeu environnemental, éthique et économique, la question du gaspillage alimentaire est un des grands défis du siècle. Alors que chaque Français jette de 20 à 30 kilos de nourriture chaque année, ce chiffre monte à 140 kilos si on prend l’ensemble de la chaîne alimentaire en compte, soit de 12 à 20 milliards d’euros gaspillés. Dans les Hauts-de-France comme partout en France, il est essentiel de se donner les moyens de lutter contre un gaspillage qui reflète aussi les défauts, les limites et parfois les non-sens des systèmes de production et des modes de consommation.
« Le gaspillage alimentaire désigne toute nourriture destinée à la consommation humaine qui, à une étape de la chaîne alimentaire, est perdue, jetée, dégradée ». Source : France Nature Environnement
Un triple enjeu, une responsabilité partagée
Choix de société au sens large dans la mesure où elle implique d’engager l’ensemble des acteurs de la production, de la distribution et de la consommation, la lutte contre le gaspillage alimentaire est un triple enjeu sociétal.
- Éthique : jeter de la nourriture quand on peut l’éviter est moralement et politiquement inacceptable, que ce soit dans la perspective d’une crise alimentaire mondiale ou dans le contexte social français, pays où l’on estime qu’une personne sur dix a du mal à se nourrir.
- Économique et social : le gaspillage est coûteux et contribue à maintenir dans la précarité les plus fragiles : l’ADEME a ainsi estimé à 159 euros par an et par personne la valeur de l’alimentation ainsi perdue.
- Environnemental : cesser de consacrer des moyens et des ressources à la production de denrées ensuite gâchées est essentiel pour préserver l’ environnement et luttant contre le gaspillage de ressources naturelles, notamment d’eau : une seule baguette de pain consomme ainsi 200 litres d’eau.
En 2016, l’ADEME a insisté sur cette dilution des responsabilités : « on observe des pertes à chaque étape, au moment de la consommation (33 %), de la production (32 %), de la transformation (21 %) et de la distribution (14 %) ».
Source : France Nature Environnement, 2012
Un défi collectif
L’objectif 2025 des pouvoirs publics est de réduire de 50 % le gaspillage sur l’ensemble de la chaîne alimentaire (Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire 2013). L’atteinte de cet objectif dépend de la mobilisation de tous : des professionnels (grande distribution, associations, entreprises...) mais également des consommateurs qui peuvent avoir un impact réel en adoptant de nouvelles pratiques de consommation.
Tous confondus, le gaspillage alimentaire représente un volume de 155 kilos par an et par personne !
L’ampleur du gaspillage en chiffres clés
- 10 millions de tonnes de nourriture sont jetées chaque année en France, soit l’équivalent de 16 milliards d’euros.
- 15,3 millions de tonnes de CO2 sont ainsi dégagées pour rien, soit 3 % des émissions de gaz à effet de serre françaises.
- 1/3 de la nourriture produite chaque année dans le monde et destinée à la consommation humaine est jetée, soit 1,3 milliard de tonnes.
- 1/3 du gaspillage évitable est constitué d'aliments encore emballés.
La restauration collective : des enjeux spécifiques
La restauration collective non commerciale - excluant donc les restaurants - est un levier d’action important pour 3 raisons principales :
- Offre un cadre à la mise en place de démarches d’ensemble (éducation, dispositif de commande, d’organisation…) ;
- Concerne tous les âges, des crèches aux maisons de retraite en passant par les entreprises.
- Particulièrement concernée par ces problématiques (d’après l’ADEME, les pertes y sont 4 fois plus importantes : restaurants scolaires, cantines d’entreprise, hôpitaux, maisons de retraite…)
Un gâchis de nourriture et d’argent
« Dans la cantine d’un lycée, le gaspillage se situe entre 150 et 200 grammes par personne et par repas », témoigne Daniel Maslanka, ancien intendant de cuisine et acteur engagé au sein de plusieurs associations de lutte contre le gaspillage. « Pour 800 convives, cela représente 24 tonnes par an, soit l’équivalent de 40 000 repas et de 70 000 euros par an, rien qu’en achat de denrées ».
« Après une phase de diagnostic, nous avons constaté que le volume des déchets représentait 170 grammes par convive. Nous nous sommes fixés comme objectif de descendre à 100 grammes », explique Éric Thorel, gestionnaire du lycée Voltaire de Wingles. Pour donner du sens à ce tri, ceux-ci sont transportés à la plate-forme de compostage et de méthanisation de Sequedin.
Vidéo "La restauration collective s'engage contre le gaspillage !"
Durée: 04:00
Restauration collective : solutions et bons réflexes
Au-delà des enjeux déjà évoqués, réduire le gaspillage alimentaire dans la restauration collective se justifie pour différentes raisons :
- Réaliser des économies en réduisant le volume des denrées achetées.
- Réduire les frais associés à la gestion des déchets organiques
- Dégager à terme des marges qui peuvent être réinvesties dans l’achat de produits de saison, locaux ou bio,
- Améliorer la qualité des repas consommés par les convives,
- Favoriser la mobilisation des équipes autour d’un projet collectif.
Des publics et des contraintes particulières
L’organisation de la cuisine
La réalisation d’un diagnostic destiné à connaître les spécificités de la structure concernée. « Il n’y a pas de solution préfabriquée », explique Daniel Maslanka, ancien intendant de cuisine et membre de l’Association Pour l’Achat dans les Services Publics (APASP), une association loi 1901 à l’origine de la méthode Vegetal Tonic, qui vise à augmenter la consommation de fruits et légumes dans les restaurants scolaires. « Chaque restaurant a ses caractéristiques propres, son public, ses contraintes… ». On ne met pas en place le même type de démarche dans un restaurant qui dispose de sa cuisine que dans une structure approvisionnée par une cuisine centrale, ni dans un restaurant autogéré que dans un lieu qui fait l’objet d’une délégation de service.
Identifier le profil des convives
A Wingles, le lycée Voltaire a rejoint le programme Vegetal Tonic en 2009, séduit par une démarche qui consiste à prendre comme point de départ le goût de l’élève et sa perception des fruits et légumes pour lui proposer une offre appropriée dans un cadre favorable. Au terme de cette phase de diagnostic et d’évaluation, notamment destinée à mesurer la quantité de fruits et légumes consommée par les élèves en étudiant les restes de repas sur les plateaux lors d’un service, l’équipe projet a défini ses propositions d’action. Parallèlement, le plan alimentaire du restaurant a été entièrement repris.
Impliquer tous les acteurs
Reste à intégrer tous les acteurs concernés, un enjeu essentiel : « la clé du succès, c’est d’agir à tous les niveaux » pointe Éric Thorel, gestionnaire du lycée Voltaire de Wingles. « Ce n’est pas uniquement aux services financiers et aux chefs de cuisine de se mettre d’accord. Il faut mobiliser l’ensemble des acteurs de la structure, du diagnostic à l’évaluation pour réellement intégrer la réduction du gaspillage dans les pratiques ».
Point de vue ! Daniel Maslanka, ancien intendant de cuisine, et Éric Thorel, gestionnaire du lycée Voltaire de Wingles.
« Les clichés sur les cantines où tout est nécessairement fade relèvent d’un passé révolu. Nous gérons chaque jour plus de 1 000 couverts. Dans un restaurant scolaire comme celui du lycée Voltaire, il s’agit de concilier trois choses : le respect des contraintes budgétaires, les exigences nutritionnelles, et le plaisir des convives. Ce dernier est essentiel pour lutter contre le gaspillage alimentaire comme de santé publique. Contrairement aux idées reçues, les jeunes réclament du goût ; ils mangeront bel et bien des fruits et des légumes, à condition qu’ils soient bons, présentés correctement, ni trop mûrs ni pas assez…
C’est la raison pour laquelle, en lien avec le chef de cuisine, nous avons imaginé de nouvelles manières de faire et développé des approches susceptibles d’amener nos élèves à consommer plus de fruits et de légumes : salade bar, wraps… C’est important pour leur santé comme la réduction du gaspillage, mais cela suppose un effort constant de sensibilisation et une vision partagée par tous dans l’établissement, des élèves à l’administration. A Wingles, il nous a fallu trois ans pour parvenir à monter une réponse adaptée, mais nous en tirons aujourd’hui les bénéfices. Non seulement la cantine scolaire est de plus en plus fréquentée, ce qui nous permet de réaliser des économies d’échelle, mais en diminuant le gaspillage, nous avons réussi à dégager des marges qui nous permettent d’acheter des denrées plus chères et d’augmenter la part de produits locaux ou bio. »
Informer, sensibiliser et impliquer tous les publics
Le gaspillage alimentaire représente un coût moyen de 400 euros pour une famille de quatre personnes. (source : ADEME)
Dans la sphère privée, un constat ressort en creux du phénomène du gaspillage : les habitudes alimentaires ont fortement évolué au cours des dernières décennies. Recours plus fréquents aux plats préparés, restauration rapide, consommation courante de produits venus de très loin… Entre 1986 et 2010, le temps consacré à la préparation des repas a diminué de 25 %, menaçant au passage l’art d’accommoder les restes que maîtrisaient les générations précédentes.
Collectivités, associations et citoyens : tous concernés
Depuis 2016, le SIAVED (Syndicat Inter-Arrondissement de Valorisation et d’Élimination des Déchets) a récupéré la compétence collecte des déchets ménagers et assimilés 92 communes (CAPH et CCCC), soit près de 300 000 habitants. Le SIAVED s’engage en matière de réduction des déchets grâce à des actions de sensibilisation destinées à réduire les volumes qu’il retraite : rencontres avec les producteurs, visites des cuisines ou de l’atelier d’un boulanger, dégustation de fruits et de légumes…
Point de vue ! Célia Potdevin, de l'association de consommateurs CLCV
"Au-delà des enjeux pratiques et logistiques, la question du gaspillage est aussi culturelle. Ce constat a émergé dans le cadre d’animations que nous menions dans le Boulonnais au début des années 2000, au travers des questions souvent très pratiques que nous posaient nos interlocuteurs. Nous avons réalisé que bien manger supposait de maitriser certains acquis : or, sans eux, on favorise le gaspillage. En fonction des lieux d’habitation, des modes de transmission, des vécus familiaux, tout le monde ne part pas à égalité…
À l’achat, c’est parfois aussi simple que de privilégier la découpe, de planifier ses repas et de bien comprendre les enjeux liés aux dates de péremption (cf. encart ci-dessous). Chez soi, le simple fait d’apprendre à organiser son frigo ou de savoir accommoder les restes peut éviter beaucoup de gâchis. Mais ce n’est pas toujours simple : là où les anciennes générations étaient plus habituées à connaître la valeur des choses, les plus jeunes ont parfois besoin de reprendre conscience du travail qui a fait que tel ou tel produit est arrivé jusque dans leur assiette."
Impliquer la grande distribution
La lutte contre le gaspillage passe aussi par l’engagement des entreprises du secteur agro-alimentaire et par les grandes enseignes de distribution. A Templeuve, dans le Nord, le géant canadien de la pomme de terre McCain, le supermarché Leclerc de la commune, l'agence de travail temporaire Randstad et les Banques alimentaires ont décidé d’avancer ensemble sur cette thématique en fondant ensemble « Bon et Bien ».
Méthode : Réduire son gaspillage alimentaire en 5 étapes
- 1. Savoir d’où l’on part
Étape indispensable, la conduite d’un diagnostic qualitatif et quantitatif dans tous le process permet d’objectiver une situation de départ à chaque étape de la chaîne : achats et commande des denrées, préparation, prise du repas, gestion des déchets…
- 2. Connaître ses convives
Comme la mesure des process, l’observation du comportement des convives est essentielle. Elle permet d’éviter des idées reçues, de se protéger de certains biais de perceptions et de mettre en place de premières actions en parallèle, par exemple des pesées destinées à concrétiser le gaspillage auprès des usagers.
- 3. Analyser les résultats et construire un plan d’action
Au terme de cette première phase, l’analyse des résultats permet d’engager un plan d'actions correctives adaptées en fonction d’une situation mesurée au plus près. Cette phase de construction est d’autant mieux calibrée et facile à engager qu’elle implique l’ensemble des acteurs concernés.
- 4. Mettre en œuvre les actions
Cette étape cumule dans le temps des actions de court terme et de long terme. Là encore, l’animation est essentielle et le fait que l’encadrement s’engage de manière visible est important pour entretenir la motivation de chacun.
- 5. Bilan et évaluation
Essentielle pour mesurer le chemin parcouru, la phase d’évaluation permet de mesurer et d’évaluer objectivement les résultats obtenus : baisse des déchets, économies réalisées, évolution des comportements… Recueil d’expérience, doit également permettre de réorienter, d’affiner ou de prolonger certaines actions le cas échéant.
Liens utiles
- www.reduisonsnosdechets.fr
- http://www.optigede.ademe.fr/
- http://preventiondechets.fne.asso.fr/fr/je-minforme/gaspillage-alimentaire/
Téléchargez le dossier complet
Dossier Gaspillage Alimentaire Cerdd
Format : PDF Poids : 279,55 ko
Identification
-
Auteur :
CERDD
-
Date de publication :
Mars 2018
-
Taille du document :
Web
-
Échelle géographique :
Régionale / Nationale