Loos-en-Gohelle : « Sur notre territoire, il n’existe pas un seul récit, mais plusieurs »
Mis à jour le 17 février 2023
Dès les années 1980, la ville de Loos-en-Gohelle initie sa transition. Son maire, Jean-François Caron, attache beaucoup d’importance à la mise en récits dans le cadre de ce processus. Antoine Raynaud, directeur de cabinet de la commune, est revenu sur cette méthode lors d’un atelier dans le cadre du Labo “Mise en récits : on ne se raconte pas d'histoires, on les vit ! organisé par le Cerdd et la Fabrique des transitions le jeudi 24 novembre 2022.
Labo Mise en récits : 3 questions à Antoine Raynaud, Loos-en-Gohelle
Durée: 04:24
Interview vidéo réalisée par un groupe d'étudiant·es en journalisme à l'Institut de Journalisme Tous Médias (IJTM) et accompagné·es par Territoires-audacieux.fr dans le cadre du "Labo Mise en récit(s) : on ne se raconte pas d'histoires, on les vit "- organisé par le Cerdd et la Fabrique des Transitions le 24 novembre 2022 à Lilliad à Villeneuve-d'Ascq.
Une histoire forte pour le territoire
« Comment rendre les habitant·es fier·ères de leur territoire ? ». Cette question est le point de départ de la mise en récits de Loos-en-Gohelle. Dans les années 1980, la commune de 7 000 habitant·es est frappée par la fermeture des mines. Socialement, culturellement et économiquement, cet épisode est très difficile pour la population. « L’ensemble de la société a été élevé par le système minier », rappelle Antoine Raynaud. Comment être, de nouveau, fier·ère de son territoire ? Pour se reconstruire, la Ville organise alors plusieurs événements. L’objectif final : permettre aux habitant·es de ne plus avoir honte de leur ville. « La transition, ce n’est pas une affaire de technologie. C’est une amélioration du système de valeur qui amène le changement », avance-t-il.
Pour réussir sa transition, la Ville souhaite jouer sur les imaginaires. Elle souhaite notamment s’écarter d’un schéma de communication classique en travaillant à une mise en récits globale. L’équipe municipale a l’intuition que cela permettra aux habitant·es de s’impliquer dans le projet de territoire et d’entrer « en transition ». Pour ce changement, Loos-en-Gohelle utilise un storytelling multi-échelles via plusieurs approches narratives. Globalement, le processus vise à appréhender tous les enjeux, à être en permanence en recherche de nouvelles idées ou encore à coopérer avec l’ensemble des habitant·es… La méthode de Jean-François Caron ? S’appuyer sur des résultats concrets, appelés « petits cailloux blancs » pour « mesurer le chemin parcouru» . L’ensemble des initiatives s’inscrivant dans la recherche d’une « étoile », un objectif parfois un peu utopique à atteindre ensemble. On peut alors passer d’un récit qui raconte le territoire à un récit qui « s’écrit » sur le territoire.
Pour d’autres collectivités, un problème se pose : comment susciter de la motivation chez les habitant·es ? « Certain·nes citoyen·es peuvent se sentir éloignés de la vie de la commune. Dans les grandes villes, c’est encore plus difficile », s’interroge une participante à l’atelier. « Il faut pratiquer la mise en désir pour motiver les habitant·es. Avec ça, on crée une histoire qui nous permet alors d’arriver aux étoiles », poursuit Antoine Raynaud.
Loos-en-Gohelle, exemple des cinq piliers de la mise en récits
La mise en récits doit comporter cinq étapes, rappelle-t-il. Avant de vouloir des résultats, une réflexion est nécessaire. Son idée ? « Mener un travail autour des histoires qui déterminent notre territoire ». Autrement dit : créer une mise en trajectoire rétrospective et prospective. En exemple, il cite l'exemple de l'éco-pâturage développé sur les terrils. « Lors de l’inauguration, plusieurs habitant·es nous ont demandé pourquoi ça n’avait pas été fait avant… Il faut alors apporter de la compréhension et du sens à l’action actuelle », précise-t-il. Les deuxième et troisième étapes sont pour lui liées : la communication sincère et l’implication. « Il n’existe pas un seul récit, mais plusieurs. Pour impliquer les habitants, il faut être authentique », note-t-il. Il faut donc réussir à créer des espaces réflexifs mais aussi être dans une posture qui permet d’accepter « les récits contradictoires ». À Loos-en-Gohelle, plusieurs actions ont pu être effectuées pour créer du lien avec (et entre) les habitant·es. Il cite par exemple une « écharpe en laine cousue pour inscrire les montagnes de terre au patrimoine mondial de l’Unesco »ou de la craie versée sur les terrils « pour créer une ressemblance avec le Mont Fuji ». Grâce à ces dispositifs, l’habitant·e devient réellement contributeur·rice de sa commune.
Pour que le projet fonctionne, la quatrième étape concerne le management qui doit aussi être coopératif. À Loos-en-Gohelle, les projets sont menés de manière coopérative ce qui nécessite une certaine forme de « bienveillance ». En fin de processus, la mairie mène un nécessaire travail d’évaluation. « Le récit n’est pas forcément lisse et tous les résultats fixés ne sont pas toujours obtenus. Après tout, le travail se réalise sur le long terme. Une fois que la personne est impliquée, nous pouvons aller la chercher sur beaucoup de sujets », termine-t-il. Le récit permet aussi d’évaluer des moments et résultats qui ne se « comptent pas toujours mais se racontent ».
Article rédigé par Margaux Marcant - étudiante en journalisme à l'Institut de Journalisme Tous Médias (IJTM) dans le cadre d’un groupe accompagné par Territoires-audacieux.fr