ADEME : le narratif au service de la prospective
Mis à jour le 7 mars 2023
Lors de la journée “Mise en récit(s) : on ne se raconte pas d'histoires, on les vit !” organisée par le Cerdd et la Fabrique des transitions à Villeneuve-d’Ascq le 24 novembre 2022, l’ADEME a animé un atelier nommé “Le Narratif au service de la prospective”. Éric Vidalenc, directeur adjoint de l’ADEME Hauts-de-France et ancien pilote de la mission stratégie prospective 2050, y a présenté quatre scénarios pour la France de 2050. Une démarche qui utilise le récit pour amener à réfléchir aux choix à faire pour le monde de demain.
Dans le hall de Lilliad à Villeneuve-d’Ascq, ce jeudi 24 novembre 2022, quatre kakémonos aux titres accrocheurs sont placés pour interpeller les participants. “Génération Frugale”, “Pari réparateur”. “Technologies vertes”. “Coopérations territoriales”. Autant de scénarios possibles pour atteindre la neutralité carbone en France métropolitaine en 2050 selon l’ADEME. Et pour celles et ceux qui souhaitent prolonger les discussions entamées dans le hall, l’atelier “Le narratif au service de la prospective” était prévu avec Éric Vidalenc, ancien pilote de la mission stratégie prospective 2050 au sein de l’agence de la transition écologique.
Ces scénarios s’appuient sur les données macro économiques, démographiques et d’évolution climatique (+2,1 °C en 2100) publiées par le GIEC. Les quatre aboutissent à la neutralité carbone en 2050 mais par des chemins distincts qui correspondent à des choix de société radicalement différents.
Labo Mise en récits : 3 questions à Éric Vidalenc, ADEME
Durée: 03:02
Interview vidéo réalisée par un groupe d'étudiant·es en journalisme à l'Institut de Journalisme Tous Médias (IJTM) et accompagné·es par Territoires-audacieux.fr dans le cadre du "Labo Mise en récit(s) : on ne se raconte pas d'histoires, on les vit "- organisé par le Cerdd et la Fabrique des Transitions le 24 novembre 2022 à Lilliad à Villeneuve-d'Ascq.
L’ADEME s’est engagée dans cette mission pour que le plus grand nombre de personnes puisse prendre conscience de l’échelle de temps et des défis à relever, tant au niveau politique que des citoyen·nes. Un travail original qui utilise le récit pour illustrer et éclairer le débat public sur la neutralité carbone, déterminant pour l’avenir de la planète.
Atteindre la neutralité carbone en 2050 est la principale mesure de la loi Energie-Climat de 2019, pour traduire l’accord de Paris signé en 2015 à la COP 21. La neutralité carbone est encore atteignable mais quel que soit le chemin choisi, il sera difficile ! Tous comportent des risques : clivages sociaux, incertitudes technologiques, capacité des gouvernances…
“Il reste 28 ans pour y arriver, c’est très court, d’autant qu’il faut transformer en même temps tous les systèmes : énergie, ressources, pollutions, économie, modes de vie, explique Eric Vidalenc. Il faut accélérer, avec une modification radicale des modes de vie et des systèmes productifs”. Car oui, le cap de 2030 est déterminant pour atteindre celui de 2050.
Intérêts et limites de la méthode
Pendant deux années, en 2019 et 2020, une équipe d’une trentaine de spécialistes de l’ADEME, élargie à une centaine d’expert·es pluridisciplinaires, a été mobilisée (malgré les confinements). Ils·elles ont esquissé une première image globale au bout d’un an. Celle-ci a été confrontée, testée, ajustée y compris par des échanges avec un panel de citoyen·nes tiré·es au sort sur le volet “modes de vie”.
Pour les scientifiques de l’ADEME, ce travail prospectif aura eu pour avantage d’articuler le quantitatif et le qualitatif pour “tenir les deux bouts en même temps”. Avec des limites : les résultats sont toujours discutables et l’articulation entre les échelles (macro, meso, micro, global, local) très complexe. La cohérence au sein de chaque scénario est également très exigeante. Mais le récit permet de faire ressortir certains aspects et de démarrer la discussion collective autour d’un “enjeu central” : “préserver le vivant”. Les énergies renouvelables sont aussi “incontournables sur tous les scénarios”. Cet exercice est en quelque sorte “l’atterrissage” des scénarios du GIEC dans le cas français. Une description accessible à un public plus large que les spécialistes, qui permet d’imaginer l’évolution incontournable de la société et de comprendre les choix urgents qui sont à faire aux niveaux collectif et individuel.
Pour y arriver, cela a demandé une conduite du changement en interne et en externe, animée par de nombreux débats car, pour Éric Vidalenc, “la conduite du changement ne se décrète pas”. L’ADEME ne se positionne pas pour un scénario, ce n’est pas son rôle. Elle vise à produire une culture commune et une posture transversale, pour expliquer les controverses. Elle facilite par ce travail l’information de la presse qui peut s’en saisir et nourrit les débats de société. Des supports plus accessibles que les travaux classiques des scientifiques sont produits : site, synthèses écrites, infographies, kakémonos, podcasts… La mise en récit permet d’amener plus de nuances que les chiffres.
Désormais, l’ADEME cherche à faire connaître le plus largement possible ces travaux pour qu’ils soient interrogés, étayés, complétés, appropriés dans les différentes sphères du pouvoir et de la société civile. La stratégie française énergie climat 2024 sera basée sur ces scénarios pour le travail parlementaire. Éric Vidalenc a également incité les auditeurs à répondre à la concertation nationale lancée sur le mix-énergétique (terminée depuis le 31 décembre 2022).
>>> Retrouvez des infos complémentaires dans le livret de l'exposition du Labo Mise en récit(s)
Les quatre scénarios détaillés
1- Génération Frugale
Le premier scénario, Génération Frugale, mise tout sur les infrastructures et les comportements sociaux. En transformant les structures des villes, l’objectif est de diviser par trois la consommation d’électricité destinée à des usages spécifiques à l’image de l’éclairage ou l’électroménager. L’objectif est de moins construire pour transformer plus de logements qui ne sont pas exploités. Une refonte de la mobilité urbaine apparaît avec un fort retrait de la voiture et de l’avion pour privilégier une mobilité active comprenant la marche et le vélo. La productivité sera celle des “low-techs”, des technologies réparables plus facilement, qui résistent mieux au temps. Les comportements sociaux évoluent pour atteindre une division par 3 de la consommation de viande. Le circuit-court, lui, devient un schéma de production très répandu.
2- Coopérations territoriales
Le deuxième scénario met en avant la coopération entre des organismes non gouvernementaux. Plusieurs instances privées ou publiques s’allient pour proposer une consommation plus réfléchie et mesurée. Le partage ou l’emprunt d’objets devient un vecteur important, jusqu’à même se partager des bâtiments entiers. L’industrie française sera tournée vers une politique bas carbone financée par une planification publique. Le recyclage et la valorisation des déchets auront un rôle majeur. Des secteurs jusque-là délaissés seront ré-industrialisés. Le transport est à nouveau présent dans le scénario avec cette fois-ci l’implantation de trains du quotidien, de mini-voitures et d’autres nouveaux moyens de transport.
3- Technologies vertes
Le progrès technologique est au cœur du troisième scénario. Au-delà des comportements sociaux, ce seront les techniques de production qui primeront. L’industrie décarbonée est un des éléments principaux du scénario avec l’intensification de l’électrification et du recours à l’hydrogène dans le processus de production. Des réductions de 30% de la consommation et de 86% des émissions de GES dans le domaine industriel pourraient en découler. La biomasse joue un rôle prépondérant dans ce scénario. L’agriculture serait intensifiée avec plus de surfaces pour des cultures énergétiques mais aussi un agrandissement des zones forestières.
4- Pari réparateur
En 2050, le pari réparateur, le quatrième scénario, est le suivant : garder les modes de vie du début du XXIème siècle tout en les “réparant”, en les adaptant au futur. Le tout reposerait sur davantage d’investissements financiers et techniques. En renforçant la compétitivité du secteur agricole et agroalimentaire, de nouvelles technologies apparaîtraient. Des matériaux verts comme les déchets bois ainsi que la biomasse lignocellulosique seraient favorisés à l’avenir pour des utilisations plus poussées. Le CO2 émis par des activités industrielles serait capté puis stocké géologiquement pour atteindre une industrie décarbonée. L’exploitation des ressources naturelles continuerait sur sa lancée en parallèle de l’utilisation du recyclage avec de nouvelles technologies.
Article rédigé par Cécile Dublanche et Clément Leveau - étudiant·es en journalisme à l'Institut de Journalisme Tous Médias (IJTM) dans le cadre d’un groupe accompagné par Territoires-audacieux.fr – novembre 2022
Pour aller plus loin
>>> Le site de l'Ademe : choisir maintenant, agir pour le climat
>>> Les podcast Demain, c'est pas loin, quatre épisodes avec une scène imaginée par scénarios et un débat
>>> Les scénarios de l'Ademe sur la Fresque de la renaissance écologique