Retour sur le Labo Jeunesse & Climat

« La mobilisation de la jeunesse pour le climat : ça a été la vraie bonne nouvelle ! Ça a interpellé, bousculé toutes les générations ; il ne faut pas le sous-estimer », rappelait Emmanuel BERTIN, directeur du Cerdd, en ouverture du Labo Jeunesse & Climat dans l’amphithéâtre d’UniLaSalle Amiens. « Il faut créer de la porosité entre les jeunes qui ont envie d’agir et ont des idées, et ceux qui prennent les décisions, qui ont envie d’aller plus loin. Il faut un mouvement plus global qui nous conforte dans notre mobilisation » poursuit-il, alors qu’Amiens accueille justement plusieurs temps forts de dialogue : assises nationales de la jeunesse en 2019 et capitale européenne de la jeunesse en 2020, rencontres européennes de la participation en 2021, festival Provox Hauts-de-France ou encore passage du Relais Jeune.

Le Labo Jeunesse & Climat du 10 mars 2022, organisé avec la Maison Régionale de l'Environnement et des Solidarités (MRES) et le Comité Régional des Associations de Jeunesse et d’Éducation Populaire (Crajep), entend révéler l’intérêt et les pistes de coopération entre jeunes et élu·es dans l'action climatique locale.

Entendre la voix de la jeunesse

En introduction, Geoffroy BELHENNICHE, directeur du campus de Rennes et du groupe Développement Durable des écoles UniLaSalle, relate des préoccupations partagées par les élèves, les enseignant·es-chercheur·euses et la direction. Gestion économe du campus, évolutions des formations et des cursus de recherche participent d’une contribution au rapport "Sensibiliser et former aux enjeux de la transition écologique et du développement durable dans l’enseignement supérieur" conduit par le climatologue Jean Jouzel. Peu de temps après la sortie des premiers volets du sixième rapport du GIEC sur l’évolution du climat, ce discours d’accueil rend compte de grandes attentes des élèves en matière de justice sociale et climatique.

Attentes confortées par l’écoute d’extraits choisis et la présentation inédite de podcasts du projet jeunesse "Agissons", émission de radio autour de la transition écologique issue de l’Université Populaire et Permanente de la Jeunesse et initiée par la MRES. Un magazine de la transition créé par des moins de 30 ans qui aborde celle-ci sous tous les angles, des sujets classiques que sont la mobilité, l’alimentation, l’habitat et la gouvernance, aux sujets plus exploratoires tels que l’écoféminisme, l’expression de la radicalité ou celle des effondrements. De leur projet, le trio de bénévoles livre sur scène une volonté de "parti pris" sur l’écologie, "un engagement assumé" destiné à attiser la réflexion et l’action de leurs auditeur·rices. Manon BUFQUIN, Mathis LABRE et Magali LANÇON racontent une sensibilité qui prend ici le dessus sur la connaissance exhaustive, pour "lutter contre l’écoanxiété" et influer un nouveau récit.

Sortir de la solitude souvent corollaire d’une prise de conscience écologique chez les jeunes, c’est un objectif partagé par Caroline ROBERT, représentante de l’association CliMates sur notre table ronde. « Une fois impliqué·e, impossible de revenir en arrière. » Une détermination qui se meut en impatience face à l’urgence et aux limites administratives et politiques rencontrées. C’est tout l’enjeu du lien avec les institutions publiques qui émerge alors, sur une touche d’espoir soulignée par l’experte en participation Katharina ZUEGEL, co-directrice du think tank Décider ensemble. Elle révèle un engagement croissant des jeunesses, freiné par un mille feuille territorial trop opaque pour être facilement intégré par ces jeunes, et pour recueillir leur parole.

Au-delà de cette écoute, le défi réside dans la prise en compte de cette parole pour questionner les actions menées, au risque d’un désengagement, comme le soulignent les échanges avec les participant·es. « On arrive à engager quand il y a une vraie marge de manœuvre, quand on a un impact sur les décisions, quand on donne du pouvoir aux jeunes », soutient Katharina ZUEGEL. C’est bien à l’échelle locale que cette participation peut le mieux se déployer. Pour sa proximité avec les habitant·es, une connaissance fine des besoins et des enjeux du territoire, une concrétisation des grands objectifs nationaux ramenés à des actions opérationnelles.

Jeunes & élu·es : coopérer aujourd’hui pour mieux vivre demain

Pour Christian LEROY, Président de la Communauté de communes du Pays de Lumbres, la feuille de route du Plan Climat Air Energie Territorial (PCAET) est une démonstration de l’échelle de l’action. « Ce qu'on fait aujourd’hui dans le PCAET c'est pour les adultes de demain, donc les jeunes aujourd’hui doivent participer. » Dans cette démarche, la difficulté rencontrée du maintien du contact avec les jeunes est palliée notamment par des échanges directs au sein d’instances dédiées tel que le conseil de vie lycéen, ou par des rencontres dans les écoles avec des associations locales. L’ambition a résidé dans une procédure participative en amont de la prise de décision, notamment dans le cadre du Plan Local d’Urbanisme (PLU) qui a vu un groupe de jeunes imaginer leur "ville de demain" pendant l’élaboration du document, et qui participera à la mise en œuvre de cet exercice de planification.

Des dispositifs dédiés à la participation des jeunes, il en existe, et nombre d’entre eux ont fait l’objet d’échanges et d’enrichissements lors des ateliers du Labo : conseil municipal des jeunes et des enfants, écodélégué·es, service civique, réseau d’ambassadeur·rices, budget participatif, accompagnement de projet, consultations dédiées, assemblées citoyennes locales, dialogue structuré… Thomas LHERMITTE, conseiller municipal délégué à la Jeunesse à la Ville d’Amiens, nous expose la démarche menée pour les jeunes de ce territoire qui, dès 16 ans, peuvent proposer un projet au budget participatif : « Les jeunes peuvent donner leur voix pour des projets et donner de la voix pour leur projet. »

Si ces dispositifs s’avèrent parfois insuffisants ou mal appropriés par les jeunes et les équipes territoriales, cela est dû à un manque de dialogue et d’interconnaissance fréquent entre générations, statuts ou compétences. De la sortie des acronymes à une communication adaptée aux jeunesses, moins en fonction de leur âge que du stade de vie, des solutions sont proposées par les intervenant·es, avec un point commun : la convivialité. Dans les discours, pour "sortir des messages anxiogènes" comme nous y invite Caroline ROBERT, mais aussi dans les modes d’action en aménageant notamment des espaces de rencontre où adopter des postures d’empathie et de coopération… quitte à se tromper, ajuster, réessayer.

Christophe CASSOU, co-auteur des rapports du GIEC et grand témoin du Labo, fait ce constat face aux incertitudes de la trajectoire de réchauffement planétaire : « il faut passer du rôle de témoin au rôle d’acteurs ; il faut tester et évaluer les décisions, avoir de l'honnêteté ; il faut des espaces où on peut se tromper, réfléchir, pour mieux avancer. C’est essentiel d’expérimenter car on est obligé d’aller vers des futurs désirables. » Cela implique de fournir un socle de connaissances à la délibération, ainsi qu’une sincérité dans l’engagement, et un partage émotionnel. Les outils et modes de gouvernance développés par les collectifs de jeunes comme CliMates répondent à cette exigence d’expérimentation démocratique dans la résolution de la crise écologique. Ces nouveaux dispositifs de formation et de mobilisation, faisant écho à des méthodes d’éducation populaire, s’inscrivent systématiquement dans une logique participative et évolutive. Ils prennent également en compte la dimension émotionnelle qui pousse à l’action et permet de cultiver l’émerveillement comme moteur.

Selon Christophe CASSOU, c’est toute l’importance d’entrer en résonance avec ses valeurs, pour sortir de l’opposition et travailler ensemble dans une gouvernance inclusive. « Il y a une petite fenêtre d’opportunité mais elle se referme rapidement et elle doit être portée par l’intergénérationnel. Nous devons dépasser la notion de responsabilité des générations passées impactant démesurément les générations futures, et être dans le présent pour agir. » En cela, l’enjeu est de se débarrasser de nos clivages pour considérer une responsabilité commune, ressentie également par les jeunesses en demande d’action, et plébiscitée dans les instances de gouvernance. Plus largement, « la résilience est possible quand la société fait des choix inclusifs, à toutes les échelles, qui contribuent à la justice, à la réduction des risques et à l’équité » conclue-t-il.

Un dossier bibliographique pour approfondir

Inspirée des cadrages du Labo, cette bibliographie se veut document ressource pour mieux appréhender les messages des jeunes face au changement climatique, et s'inspirer de leurs modes d'action porteurs de transitions écologiques et démocratiques. Leur parole et leurs projets, trop peu connus, y font l'objet d'un éclairage mêlant discours, enquêtes, acteurs et pistes de coopération.

Ce travail documentaire a été réalisé par le Cerdd et le Centre de documentation de la MRES, en partenariat avec le Crajep.

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