Biodiversité & changement climatique : histoire d'une prise en charge collective en Nord-Pas de Calais
Mis à jour le 14 octobre 2016
De nombreuses pressions, souvent anthropiques, sont à l'origine des évolutions de la biodiversité. Parmi elles, le changement climatique est probablement majeur mais de quelle manière ? Comment la hausse des températures, les dérèglements des pluies... influencent-t-ils les écosystèmes et les rythmes de vie des espèces ? Comment doit-on faire évoluer nos pratiques pour tenir compte de ces enjeux ?
C'est pour répondre à ces questions et mieux qualifier les liens entre changement climatique et biodiversité que des acteurs du Nord-Pas de Calais, observatoires, collectivités, chercheurs, gestionnaires d'espaces naturels, se sont mobilisés à partir de 2013. Récit de la prise en charge collective d'un sujet complexe, à partager demain à l'échelle des Hauts-de-France.
Un intérêt croissant et partagé pour ces questions climats et biodiversité
En 2013, mieux comprendre les liens entre les évolutions de la biodiversité et le changement climatique motivait en parallèle plusieurs initiatives :
EDEN 62, gestionnaires des espaces naturels sensibles pour le compte du Département du Pas-de-Calais, lançait une première réflexion sur l'impact du changement climatique sur la biodiversité de ces espaces.
L'objectif : anticiper la nécessaire évolution des modes de gestion écologique et mettre en place une mission d'évaluation de l'impact du changement climatique sur la biodiversité, avec à la clef un dispositif de collecte de données naturalistes destiné à renseigner finement le suivi des évolutions. Le montage d'un dossier de financement européen était projeté pour permettre ce travail.
- Un Collectif d’Expertise Régionale pour le CLimat et son Evolution (CERCLE) venait d'être créé à l'initiative du Conseil Régional dans l’esprit d’un GIEC régional et en écho aux travaux menés par les scientifiques dans différents domaines tels que la climatologie, la géographie, la santé, la sociologie, ou la biodiversité. Le GIS biodiversité était mandaté pour traiter ce sujet.
- A la faveur de rapprochements techniques, l'Observatoire de la biodiversité et celui du climat constataient la faiblesse des données communicables à leurs publics. Des constats étaient faits : évolution d'une espèce, apparition d'une autre… mais sans pouvoir affirmer les liens précis avec le changement climatique et donc sans pouvoir s'en servir pour illustrer ce phénomène.
- Le service biodiversité de la Communauté Urbaine de Dunkerque, dans le cadre de son Plan climat communautaire, travaillait en partenariat avec des structures et experts écologues sur la cartographie d'espèces comme la « Pensée de Curtis ». Ce projet était né de l'observation d'une diminution des populations et du besoin d'en connaître et comprendre les raisons.
- Enfin plusieurs structures gestionnaires d'espaces naturels (CPIE, conservatoire, etc.) s'interrogeaient de plus en plus sur la prise en compte de ces évolutions dans leur travail de gestion mais aussi de sensibilisation.
A la croisée de toutes ces préoccupations, les deux observatoires régionaux ont donc proposé une première rencontre commune qui a finalement été suivie de plusieurs autres.
L'animation des intervenants du domaine de la biodiversité
A la demande des acteurs, les observatoires de la biodiversité et du climat ont donc organisé et animé plusieurs réunions qui ont permis de rassembler institutions, chercheurs et gestionnaires d'espaces naturels (cf. ci-dessous, la liste des parties prenantes de cette dynamique). Entre 2013 et 2015, ces quatre rencontres ont favorisé l'inter-connaissance, le partage des connaissances disponibles, des échanges sur les enjeux et l'élaboration d'outils collectifs…
Un cheminement collectif vers des axes de travail communs
Au départ, les questions fusaient : Quels sont les groupes les plus impactés par le changement climatique ? Comment isoler la part du changement climatique dans le phénomène de dégradation de la biodiversité ? Quels indicateurs étudier pour vérifier ces corrélations ? La paléoécologie peut-elle aider à bâtir les protocoles ? Pour les années futures, quelles données doit-on recueillir pour mieux renseigner ces interactions et comment proposer un protocole applicable et partagé ?...
Puis les travaux se sont structurés autour de plusieurs grands axes :
- Un état des lieux partagé des connaissances et des programmes d'actions sur le lien entre biodiversité et changement climatique.
Un tableau partagé a permis de recenser les programmes, les données scientifiques collectées et utilisées (programme sur les oiseaux, les odonates, la phénologie...) et d'échanger sur leurs limites ou intérêts.
- Un début de recensement des séries de données « anciennes » mobilisables pour documenter la question climat-biodiversité.
Un tableau de collecte, conçu lors des réunions, a été un premier support pour repérer des données existantes sur certaines espèces (odonates, lichens, pollens, oiseaux, papillons, syrphides,…) et de faire une première analyse de leur pertinence : qualité des données, disponibilité des sources, possibilité de croisement avec d'autres données pour isoler l'influence du changement climatique des autres facteurs anthropiques, etc.
- Concevoir pour l'avenir, un dispositif coordonné de collecte de données naturalistes.
Nourrie par les premières réflexions sur les données existantes, le groupe se proposait aussi de mettre en place de nouveaux protocoles de collecte d'informations avec pour objectif de suivre et de qualifier les effets du changement climatique sur la biodiversité dans le futur. Conscient qu'il s'agirait là d'un investissement à très long terme, dont l'exploitation scientifique effective ne pourrait intervenir qu'en 2025, le groupe convenait de l'importance de travailler en collectif pour embrasser l'ensemble des problématiques et donc des compétences thématiques, prises à des échelles locales et régionales. Ainsi pourrait être établie une liste partagée des espèces indicatrices faisant l'objet d'un suivi en région, ces suivis seraient répartis entre les acteurs ad hoc, l'analyse et le traitement seraient effectué sous l'égide des chercheurs, la valorisation des résultats stabilisés serait assurée par les observatoires, l'utilisation pour la sensibilisation par les associations, ...
- L'opportunité de montage d'un dossier de financement européen
S'inspirant de la démarche initiée par Eden 62, le collectif avait convenu de l'intérêt qu'aurait le montage d'un dossier européen commun, installant les interventions de chacun dans son domaine de compétence dans un cadre commun d'action à l'échelle régionale. Un tel cadre permettrait d'adosser des actions de connaissances (collecte et analyse de données, production d'indicateurs,...) à des objectifs opérationnels (adaptation des actions de gestion, sensibilisation/formation des acteurs et gestionnaires de espaces, politiques publique), etc. Le programme Life avait été pointé comme potentiellement adapté à un tel projet.
Où en sommes nous aujourd'hui ?
Même si le contexte n'a pas permis de poursuivre ces rencontres, le résultat de ce premier processus est déjà riche :
- Un partenariat ancré dans le long terme s'est installé entre les deux observatoires (Biodiversité et Climat) qui travaillent ensemble en bonne intelligence.
- Une diversité d'acteurs reste mobilisable si une seconde phase de cette dynamique collective s'amorce.
- L'idée d'un montage financier collectif (par exemple d'un projet européen) a été bien esquissée notamment par Eden 62.
- Le rapprochement effectué entre chercheurs et acteurs terrains peut être renouvelé ; les partenaires scientifiques de la démarche (Cercle, Gis Biodiversité...) sont toujours présents et ouverts aux échanges.
- Le premier assemblage de connaissance sur les actions de chacun, les données disponibles, etc. a permis une montée en compétence des acteurs.
- Des cadres de recueil de séries de données naturalistes anciennes et futures sont disponibles et réutilisables.
Les perspectives
Mais le travail n'est pas fini. Ces rencontres et cet état de l'art ont généré des motivations et inspirent l'envie de poursuivre. Cette dynamique collective a été une première étape essentielle.
Cette première prise en charge régionale a permis de montrer que ce sujet climat-biodiversité est encore mal maîtrisé alors que tous les gestionnaires d'espaces de nature (collectivités, associations, conservatoires,..) doivent l'intégrer dans leurs choix et dans leurs pratiques des années à venir. Seul l'assemblage des connaissances passées et futures permettra de combler ces lacunes.
A l'image de la CUD, les acteurs locaux peuvent prendre part à cette démarche. Idem pour les associations qui pourront jouer un rôle clef de relais vers les citoyens de plus en plus soucieux de ces questions environnementales. Les compte-rendus de réunions et les outils créés sont également disponibles, faites-en la demande !
CONTACT
Lou Dengreville, Responsable de l’Observatoire de la Biodiversité : l.dengreville@cbnbl.org
Emmanuelle Latouche, Directrice adjointe en charge du Pôle Climat : elatouche@cerdd.org
Marie Décima, Chargée de mission Environnement au Cerdd : mdecima@cerdd.org
Les participants à la dynamique collective
- Guillaume Bertho, Lou Dengreville et Sandrine Cohez – Observatoire de la biodiversité
- Emmanuelle Latouche et Marie Décima – CERDD/Pôle Climat/Observatoire Climat
- Yves Piquot - GIS biodiversité
- Virginie Vergne – UFR de Géographie/CSENPC
- Jean-Marc Valet, Benoît Delanguen Thierry Cornier et Benoît Toussaint - CBNBL
- Patrice Sauvage, Pascal Fasquel et Philippe Masset – DREAL Npdc
- Marion Veyrieres – Conseil Régional Nord-Pas de Calais
- Fabrice Truant – Communauté Urbaine de Dunkerque
- Vincent Cohez - CMNF/CPIE Chaîne des terrils
- Dominique Derout – Eden 62
- Laetitia Davranche APPA Npdc
- Alain Ward – GON
- Cédric Vanappelghem – CEN,
- Céline Fontaine – CPIE Val d’Authie
- Laurent Chochois – URCPIE