Rencontre avec Delphine Cazor, chargée de mission habitat privé à la Métropole Européenne de Lille.
Analyse de l'initiative
En 2011, la direction de l’habitat de la Métropole Européenne de Lille a décidé de donner un coup de projecteur sur les copropriétés existant sur son territoire. Une forme de logement mal connue, restée jusque là "dans l’angle mort" des politiques de l’établissement intercommunal, selon l’expression de Delphine Cazor, responsable du dossier.
Le parc métropolitain se compose de 60 % de maisons individuelles et de 40 % de logements collectifs. Dans cet univers du logement collectif, se trouvent des immeubles où les propriétaires des appartements à titre individuel sont aussi propriétaires en indivision forcée du hall et du toit du bâtiment, de l’éventuel système de chauffage collectif ou encore d’un jardin commun, voire de routes d’accès. Cette formule de la copropriété a tendance à se développer dans l’agglomération lilloise, au rythme de 2 à 3 % par an. C’est l’effet cumulé des constructions neuves et, dans le parc ancien, de divisions de maisons de maîtres ou de changements du régime de propriété consécutifs à des décès et des héritages. S’ajoutent à cela quelques ventes de HLM par des bailleurs.
Anticiper des ruines
La MEL voulait voir plus clair dans ce petit monde, pour anticiper d’éventuelles difficultés. "On dénonce parfois le coût des actions entreprises. Mais on oublie souvent de considérer le coût de l’inaction", souligne Delphine Cazor. Que les logements soient occupés par ceux qui les possèdent ou mis en location, le bien collectif doit être administré par un syndic, professionnel ou bénévole, et les décisions importantes doivent être prises au cours de réunions collectives et d’assemblées générales. Mais il est rare que les copropriétaires aient provisionné les sommes nécessaires aux travaux d’importance ou qu’ils tombent d’accord, au même moment, sur la nécessité de ces interventions. La situation peut alors se compliquer assez vite. En Ile de France et dans quelques métropoles régionales, certaines copropriétés sont terriblement dégradées par manque d’entretien, ou en état de faillite du fait d’impayés de charges, si bien qu’il faut se résoudre à les démolir...
Autre motivation de la communauté urbaine : mieux informer les occupants des copropriétés sur leurs obligations et sur les aides dont ils peuvent bénéficier . Enfin, la MEL a des objectifs de réduction de consommation énergétique et il était important que les copropriétés y contribuent, comme les autres formes de logement.
Une centaine de "fragiles"
Le cabinet "Ville et habitat" a donc été chargé d’une étude de grande ampleur, dont les premiers résultats ont été rendus au printemps 2012. Les experts ont recensé 6 105 copropriétés, comprenant 98 400 logements, dans le périmètre communautaire. Cela représente environ un cinquième des logements du territoire. Un tiers des appartements sont occupés par leurs propriétaires ; les autres sont loués. La moitié des immeubles concernés sont situés à Lille ; douze communes comptent plus de 1 000 logements sous ce régime. Il n’y a pas ici de modèle architectural dominant de copropriété, comme dans la région parisienne (immeubles du dix-neuvième siècle) ou dans les villes reconstruites après la seconde guerre mondiale. Mais on sait que la moitié des bâtiments en question sont postérieurs à 1974 et un un tiers, postérieurs à 1990.
Dans quel état se trouvent les immeubles ? Dans quelles conditions vivent leurs occupants ? En croisant valeurs sur le marché immobilier et indicateurs de revenu des habitants, le bureau d’études a identifié 131 unités d’habitation (4 630 logements) très fragiles. "Il n’y a pas de copropriétés en très grande difficulté, se félicite la chargée de mission de la direction Habitat, Delphine Cazor. Mais des ensembles, dans des quartiers modestes de Lille, Roubaix, Tourcoing, La Madeleine et Mons-en-Baroeul, où l’intervention de la puissance publique pourrait se justifier, à plus ou moins brève échéance". Ces données devront être complétées et affinées par un observatoire à venir prochainement. Mais dès maintenant, la direction de l’habitat a demandé la réalisation d’un diagnostic détaillé sur quatre copropriétés tests, pour orienter son action.
Priorité à la performance énergétique
L’analyse est en cours. Sous couvert du cabinet Ville et habitat, un bureau spécialisé est chargé de mesurer la performance énergétique des lieux. Et de voir comment l’audit énergétique et environnemental proposé par le Conseil régional Nord - Pas de Calais peut être adapté au cas des copropriétés. Cette démarche est tout sauf une lubie. Un décret de janvier 2012 a rendu obligatoire la réalisation d’un audit énergétique dans toutes les copropriétés datant d’avant 2001 et comptant plus de cinquante lots. Il y en 414 dans la communauté (41 400 logements). Le but est de mieux éclairer les besoins et de permettre aux copropriétaires, tenus par des systèmes de décision lourds et compliqués, de lancer les bons travaux, au bon moment, pour des effets durables.
"Dans les recommandations qui sortiront de notre étude, nous songeons à faire de cette question énergétique une priorité d’intervention de la MEL, explique Delphine Cazor. Elle prendra notamment la forme d’actions de sensibilisation et d’information. Cela correspond aux objectifs de notre programme local de l’habitat et à celle du plan climat énergie". Cette orientation pourrait un jour s’articuler avec une agence locale de l’énergie et et du climat, dont la création est à l’étude au sein de la MEL.
Notes :
constructions neuves : favorisées par les diverses aides à l’investissement
les aides dont ils peuvent bénéficier : comme le programme d’amélioration durable de l’habitat, à mobiliser pour des isolations de toitures ou à des remplacements de fenêtres
du cabinet Ville et habitat, un bureau spécialisé : Pouget consultants, qui a beaucoup travaillé sur les OPAH thermiques à Paris
Fiche d’identité
Etude de repérage et analyse des copropriétés du territoire de Lille-Métropole européenne et élaboration de politiques pour leur réhabilitation énergétique et environnementale.
- Contact : MEL au 03 20 21 63 91 ou par mail
- Date de lancement de l’opération : Réalisée en 2011-2012
- Financement FRAMEE : 34 158 € sur un coût total d’opération de 113 859 €.
- Nom de la structure MEL
Sur le terrain
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