« L'urgence d'essaimer » : portrait de Geoffrey Mathon
Mis à jour le 1 octobre 2024
À l'occasion des Rencontres TEPOS qu'il accueille dans sa ville, rencontre avec Geoffrey Mathon, le maire de Loos-en-Gohelle. Le successeur de Jean-François Caron et partenaire régulier du Cerdd pointe la nécessité de développer le partage d’expériences et le collaboratif autour des transitions.
Difficile de suivre Geoffrey Mathon sans s’arrêter à chaque coin de rue. Le maire de Loos-en-Gohelle connaît sa ville et ses habitant·es sur le bout des doigts. Loos, ses 7 000 âmes aux ressources modestes, ses terrils jumeaux, héritage de l’activité des
mines de Lens. Mais aussi la cité-pilote de la transition écologique, engagée dès 2004 dans un Agenda 21. La commune, choisie en 2015 pour accueillir une délégation de la COP21 (finalement annulée pour des raisons de sécurité), a reçu la visite en 2018 du Président de la République. La petite ville sans grands moyens qui a su avant les autres et en mobilisant sa population bâtir un modèle plus durable observé par des élu·es et expert·es du monde entier. Au programme de leur visite : Mine de Soleil, une société locale de production d’énergie photovoltaïque dont les habitant·es sont actionnaires, des trottoirs faits de déchets de béton recyclé, des logements sociaux écoconstruits ou encore la ceinture verte aux abords de la commune. Sans oublier l’ancien site minier du 11/19. Reconverti en pôle de référence et de démonstration du développement durable, il accueille notamment le Cerdd !
Enfant du pays
Maire depuis le 2 avril 2023, Geoffrey Mathon, 46 ans, a été l’un des acteurs de cette métamorphose. L’édile est né dans la cité 5, l’une des plus populaires de Loos-en-Gohelle. En 2000, il entre à la mairie dans le cadre d’un service national ville, puis enchaîne avec un emploi jeune aux côtés du maire fraîchement élu Jean-François Caron en 2001. Ce dernier, réélu à trois reprises (et sans liste d’opposition en 2014 et 2020), veut transformer la commune avec ses concitoyen·nes. Alors chargé de mission sur l’implication citoyenne, Geoffrey Mathon se passionne pour le sujet. Et découvre « que le service public permet de développer le territoire », commente-t-il.
Le petit-fils de mineur enchaîne ensuite les concours de la fonction publique, jusqu’à devenir directeur général des services. Puis premier adjoint en 2020.
La « méthode loossoise »
À l’image de Geoffrey Mathon, qui s’est construit dans la durée sur son territoire, la « méthode loossoise » se peaufine au fil des années. « Je pense que la transformation s’opère par le faire », commente l’élu. D’abord la participation citoyenne et
associative « émancipatrice en permettant à toutes et tous de trouver une place dans un projet ». Elle est initiée dès 2000 avec des projets découlant d’une charte du cadre de vie traçant de manière participative les perspectives de développement
du territoire. Les Loossois·es sont invité·es à travailler autour d’une feuille de route communale sur des sujets variés : eau, aménagement, cadre paysager, énergie…
Trois ans plus tard, l’équipe municipale crée un comité scientifique pour expertiser son travail dans une démarche de recherche action. Anthropologues, économistes, écologues y participent. Au fil des mois, la nécessité de bâtir les récits du territoire
et des transitions en recueillant la parole des acteur·rices se fait jour. Ceux-ci sont invités à les raconter sur scène, « avec leurs mots, ils touchent bien plus leurs concitoyen·nes qu’un·e élu·e ne saurait le faire », estime Geoffrey Mathon. Ce rôle pionnier
dans la mise en récits des transitions et la conduite de changement systémique, partagé avec le Cerdd, c’est aussi la marque de fabrique loossoise. Elle essaime depuis, avec la Fabrique des Transitions animée par Jean-François Caron et son ancien « chargé de récits » Julian Perdrigeat.
Ce partage des expériences est une urgence selon l’édile : « Aujourd’hui, nous sommes à un carrefour. Il y a une nécessité d’essaimer plus et plus vite. Nos sociétés sont en voie d’effondrement et seule la solidarité nous sauvera. On ne peut plus se
contenter d’agir à son niveau. » Le changement de posture est difficile et néanmoins nécessaire pour ses collègues : « Être maire d’une ville en transition, c’est entraîner une équipe de foot : se former et animer un collectif mêlant élu·es, technicien·nes,
habitant·es et intervenant·es extérieur·es. C’est accepter d’animer et non pas de surplomber. »
Nombreuses collaborations avec le Cerdd
Dans cette perspective, les collaborations avec le Cerdd sont nombreuses. À commencer par la formation des collaborateurs en interne et l’organisation des fameux DDTours qui permettent de faire découvrir sur le terrain les projets de transition. En octobre 2024 Loos-en-Gohelle accueillera plus de 500 professionnel·les de la transition énergétique territoriale pour les Journées TEPOS (Territoires à énergie positive). « La vision à 360° du Cerdd, sa connaissance des projets du territoire et sa capacité à les interroger et à animer ce débat seront très précieuses, poursuit Geoffrey Mathon. Et quand nous lançons un nouveau sujet tel que le dialogue territorial autour de l’alimentation, nous allons trouver des ressources au Cerdd ! »
>> Lire aussi notre article sur les coulisses des TEPOS : « Avec les rencontres TEPOS, on a cherché à embarquer tout le territoire autour de Loos-en-Gohelle »
Avant les dernières municipales, Jean-François Caron désireux de quitter ses fonctions peinait à trouver un successeur. La décision fut donc prise d’organiser une « élection sans candidat » : l’équipe municipale s’est réunie pour identifier les qualités requises du futur maire, avant de suggérer des noms. Celui de Geoffrey Mathon, encore directeur général des services à ce moment-là, a été proposé et choisi à l’unanimité. Le jeune père de famille, par ailleurs salarié du Conseil départemental du Pas-de-Calais, a d’abord refusé. Lourdeur de la mission et « difficulté de succéder à un maire aussi emblématique. » Puis il s’est laissé convaincre. « Nous avons été transparents. En élisant une quatrième fois Jean-François Caron en 2020, les Loossois·es savaient que je prendrais sa succession à mi-mandat », commente Geoffrey Mathon. Le jeune maire s’attelle depuis à développer le leadership collaboratif pour pérenniser le parcours loossois : « car la transition est souvent incarnée par une seule personne. Avec le
risque que le projet disparaisse avec elle ».
Portrait tiré de notre bilan 2023 - perspectives 2024, à consulter ici.