Sur 80 hectares naguère dédiés à l’industrie et progressivement abandonnés par elle, à cheval sur les villes de Roubaix, Tourcoing et Wattrelos, la Métropole Européenne de Lille veut réaliser un morceau de ville d’un nouveau genre. Un éco-quartier en trois mots : mixte, vert et doux.
CONTEXTE et descriptif de l'action
Cela fait près de quinze ans que l’affaire est en cours et dix ans que les urbanistes Reichen et Robert ont établi un premier schéma directeur de reconversion du site. Les grands objectifs chiffrés y étaient consignés : 300 000 m2 de bureaux et de locaux d’entreprises, 1 300 logements, 10 hectares d’espaces verts. Le schéma a évolué au cours du temps, au gré de la dynamique participative et d’une meilleure prise en compte des objectifs de développement durable. Aujourd’hui, un écoquartier, labellisé par le ministère du développement durable, sort progressivement de terre.
ANALYSE DE LA DÉMARCHE
Déjà 1300 emplois
Chargée de l’aménagement depuis 2007, la SEM Ville renouvelée a engrangé quelques beaux acquis dans le domaine économique : la réalisation du centre européen des textiles innovants (CETI) ; les implantations en cours des sièges de Lille-Métropole Habitat et de Vinci Construction ; la relocalisation d’une ruche d’entreprises ; l’arrivée très prochaine, sur 7,5 hectares, de la société Kipsta (groupe Décathlon), ses bureaux, son magasin d’articles de sport collectif et ses espaces extérieurs de pratique... Le succès est particulièrement éclatant dans la Plaine Images : de nombreuses sociétés du secteur des jeux vidéo et de la 3D se sont installées dans d’anciennes usines transformées, à Tourcoing, à peu de distance du cœur du futur quartier. A l’automne 2014, 1 300 salariés étaient recensés dans le périmètre de l’Union.
Chers logements...
Les choses sont plus difficiles en matière d’habitat. Quelques dizaines de maisons ouvrières ont été transformées et améliorées dans le secteur Stephenson : le célèbre architecte Patrick Bouchain a accompagné les habitants dans leurs démarches d’auto-réhabilitation. Les constructions neuves, en revanche, tardent à sortir. Quarante-six premiers logements sociaux ont été livrés par Nacarat début 2015, dans l’ancienne enceinte du Peignage de la Tossée, et rachetés par Lille-Métropole Habitat. Nacarat s’efforce de commercialiser d’autres tranches de logements privés, conçus par l’architecte Nicolas Michelin ; cent sont programmés mais les prix de vente (autour de 2 700 €/m2) s’avèrent prohibitifs. "C’est une opération montée il y a plusieurs années, indique Agnès Crucé, directrice de l’aménagement de l’Union à la SEM de la Ville renouvelée. Depuis, les conditions de transaction ont beaucoup changé et les prix ont baissé".
Pas de divorce activité/habitat
Dès lors, les promoteurs tiquent devant le cahier des charges fixé par la SEM : la performance énergétique supérieure à la réglementation thermique, le stationnement en parkings mutualisés, l’implantation de commerces au rez-de-chaussée des immeubles ne rentrent plus dans l’équation financière, disent-ils. "Nous ne pouvons continuer à aller contre le marché, reconnaît Agnès Crucé. Nous allons rebalayer ces clauses avec les nouveaux membres élus de notre conseil d’administration et voir ce que nous pouvons assouplir pour rendre des marges de manoeuvre aux opérateurs". Pour autant, il n’est pas question de renoncer au mélange d’activité et d’habitat privé et public, la fameuse "mixité fonctionnelle", facteur de "mixité sociale", qui fait la spécificité du futur écoquartier de Roubaix-Tourcoing-Wattrelos. "L’Union ne sera jamais une simple zone d’activité. Son aménagement jusqu’à ce jour, l’inscription au programme d’un parc public, la possibilité, toujours ouverte, d’y localiser un grand équipement sportif métropolitain, ne vont pas dans ce sens".
Un référentiel qui se décline
Et l’édifice a son ciment : le référentiel "Dynamique DD". Un document-guide qui fixe des objectifs dans chacun des domaines constitutifs du développement durable mais qui les décline subtilement selon les secteurs d’opération. Ainsi, en matière de biodiversité, les orientations seront différentes selon qu’on se trouve près du parc central ou au cœur du bâti ancien rénové... A l’échelle de chaque opération, ces obligations sont aussi rappelées mais sous forme d’une fiche particulière, adaptée au futur bâtiment. Et la SEM vérifie que le promoteur la prend bien en compte, de la demande de permis de construire jusqu’à la livraison des logements ou des locaux d’activité.
D’autres voies que la route
De la même manière, est maintenue l’ambition de mobilité durable. "Il n’est pas question de faire un quartier zéro voiture mais de multiplier les possibilités modales pour réduire sa place", expose Agnès Crucé. Et il s’agit d’un impératif, vu les enjeux énergétiques et climatiques. Dès 2005, une étude montrait que la principale porte d’accès à l’Union était la voie rapide urbaine reliant Roubaix-Tourcoing à Lille. Or cet axe est d’ores et déjà saturé, son élargissement ou son doublement sont impossibles, et il ne pourra pas absorber de nouveaux flux automobiles suscités par le développement du projet (quelque 800 salariés supplémentaires attendus sur place en 2015).
Des infrastructures ad hoc
Cette stratégie de diversité des mobilités repose sur la présence du métro (une station à proximité), sur deux lignes de bus (dont une à haut niveau de service), sur une offre de V’Lille et bientôt, sur une station d’auto-partage "Lilas". Elle prend aussi appui sur trois parkings silos pensés comme des lieux de centralité de services à la mobilité : celui de la Plaine images (380 places, en service et en cours d’appropriation, alors qu’un espace de stationnement gratuit subsiste à proximité), celui de la rue de l’Union (en construction, dans un îlot comprenant une ruche d’entreprises), celui du secteur central (pas encore calé dans le temps). Les entreprises propriétaires de leurs locaux participent financièrement à la réalisation de ces ouvrages et bénéficient ensuite de places à loyer modéré pour leurs personnels. Des habitants ou des visiteurs de passage les utiliseront peut-être aussi, en complément de parkings semi-enterrés.
Des services associés
Destinés à limiter l’encombrement de la voirie, ces équipements d’un nouveau genre ont également une vocation de "centres de services". Dans les deux premiers parkings, des surfaces (de l’ordre de 100 m2) ont été réservées pour des activités de type conciergerie. Reste à trouver le bon modèle économique : celui des conciergeries d’entreprises où l’abonnement est pris en charge par la structure contre déduction fiscale ne peut pas vraiment fonctionner à l’échelle d’un quartier... A côté des conciergeries, un espace pourrait être consacré à la promotion de la multimodalité : panneaux d’information ou applications électroniques affichant toutes les offres de transport disponibles en temps réel ou salle d’attente de co-voiturage. La SEM y réfléchit avec des experts de l’Ifsttar (institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux) et de la plate-forme régionale d’innovation I-Viatic. L’aménageur s’apprête également à confier à un prestataire une étude sur le design fonctionnel (autrement dit, l’ordonnancement) des futurs centres de services de mobilité.
Au plus près des entreprises
Plus généralement, les pouvoirs publics et la SEM de la Ville renouvelée envisagent de renforcer l’accompagnement des entreprises installées à l’Union dans l’adoption de nouvelles pratiques. A l’instar des locataires de logements éco-construits qui ont besoin d’un temps d’adaptation et de conseils pour les occuper au mieux... Il ne suffit pas, par exemple, de promouvoir à tous les échos les plans de déplacements d’entreprises : il faut tenir compte de la situation de chaque entité économique et proposer des démarches de progrès. De nouveaux dispositifs pourraient être mis en place par Lille Métropole communauté urbaine, incluant le recours à des prestataires privés ou associatifs.
FICHE D'IDENTITÉ
Lieu/échelle d'intervention : Écoquartier L’Union
Site internet : http://www.lunion.org/
Identification du porteur de projet : Maîtrise d’ouvrage : Métropole Européenne de Lille / Urbaniste en chef : SEM de la Ville renouvelée
Contexte urbain : Secteur en déprise industrielle sur le versant nord est de Lille-Métropole
Nombre prévu de logements : 1 300
Surface des espaces verts et plans d’eau : 10 ha
Activités (commerces, restaurants, bureaux) : 300 000 m2
Début du projet : 2007
Bénéficiaires / cibles de l'action : Tous les acteurs du territoire
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