Mis à jour le 9 mai 2019

Les fermes urbaines sont à la mode. Le séminaire du réseau ReADY était une bonne occasion de faire le point sur le phénomène. L'agriculture urbaine prend des formes multiples, au service de fonctions très diverses. Elle n'est pas une panacée. Elle n'est pas non plus un passage obligé pour les territoires qui souhaitent mener une politique d'alimentation durable ; l'essentiel en cette matière étant de bâtir des projets adaptés aux réalités et aux besoins des populations locales.

agriculture urbaine futura-sciences
© futura-sciences

Demandez à la cantonade ce qu'évoque la notion d'agriculture urbaine et vous obtiendrez à peu près ceci : "cultiver en ville", "les circuits courts", "créer du lien", "des potagers sur les toits", "hors sol", "des jardins partagés", "impliquer les habitants et les entreprises", "préserver du foncier, travailler sur les interstices"...
C'est un peu tout cela et d'autres choses encore, relève Marie Stankowiak, responsable du GRECAT (Groupe de Recherche et d'Études Concertées sur l'Agriculture et les Territoires), rattaché à l'Institut Supérieur d'Agriculture de Lille.

Les chercheurs Paule Moustier et Alain Mbaye ont proposé une définition dès 1999 : il s'agit d'une agriculture "localisée dans la ville ou à sa périphérie, dont les produits sont majoritairement destinés à la ville et pour laquelle il existe une alternative entre usage agricole et non agricole des ressources (sol, main d’œuvre, eau)".

Mais l'agriculture urbaine peut prendre des formes très différentes, selon ses promoteurs (entreprises, collectivités locales, consommateurs), les dimensions abordées (alimentation des populations, autosuffisance alimentaire des territoires, développement local, végétalisation de la ville), ou encore les lieux choisis, les techniques employées, les modes de distribution des produits. Les fonctions assignées aux projets varient également : elles peuvent être sanitaires, environnementales, nourricières, sociales, pédagogiques, récréatives... Enfin, les porteurs de projets ne viennent pas forcément de l'univers agricole ; ce sont aussi des urbains, des représentants de collectivités, des dirigeants de start-up.

six catégories

En s'appuyant sur les travaux de l'ADEME, Marie Stankowiak identifie six grands types d'agriculture urbaine :

  • L'agriculture non professionnelle collective : les jardins familiaux, partagés ou collectifs (fonctions nourricière, d'éducation, de loisir).
  • L'agriculture non professionnelle individuelle : les potagers (fonctions nourricière et de loisir).
  • L'agriculture servicielle : installations de ruches, bétail en écopâturage (fonctions de sensibilisation et d'introduction de la nature en ville).
  • L'agriculture professionnelle sociale et solidaire : interstices urbains cultivés (fonctions de production, d'insertion, de sensibilisation).
  • L'agriculture professionnelle hightech ou indoor : cultures en hydroponie ou en conteneurs (fonction de production).
  • L'agriculture périurbaine classique (fonction de production).

On pourrait y ajouter quelques formes marginales comme les cultures sur trottoirs ou l'usage du houblon pour la réalisation de murs végétalisés...

Des questions ouvertes

L'agriculture urbaine se développe à un rythme soutenu en France et dans notre région, tout en accusant une dizaine d'années de retard par rapport au monde anglo-saxon. Les collectivités locales s'y impliquent de plus en plus, à l'instar de la Ville de Paris, qui lance en ce moment son deuxième appel à projets. Mais l'activité n'a pas encore acquis une importance suffisante pour être prise en compte dans les politiques d'aménagement du territoire.

D'autres questions demeurent sur la formation des personnes appelées à travailler dans ces exploitations agricoles. Ou encore sur l'association des citoyens aux projets ; les installations hightech en particulier suscitent des doutes, voire de la méfiance, parmi les habitants et potentiels consommateurs. Le problème de la pollution des sols qui pourraient être cultivés, ou qui le sont, est également très prégnant. En revanche, il est à noter que les cultures urbaines se pratiquent presque toujours sans produits phytosanitaires et le plus souvent en méthode biologique.

Last but not least, la productivité des exploitations agricoles urbaines est mal connue et leur rentabilité ne va pas de soi. Au point que Christine Aubry, enseignante-chercheure et experte du sujet, estime qu'il n'y a pas (encore) de modèle économique stable pour l'agriculture urbaine. D'autant que le foncier, en zone urbaine, est rare et cher. De fait les porteurs d'initiatives doivent souvent créer des activités annexes ou recourir à des subventions pour équilibrer leurs comptes. Pour donner la mesure de la difficulté, il faut savoir que l'aménagement d'une toiture d'immeuble à des fins d'agriculture coûte entre 100 et 300 euros le mètre carré.

Pas d'autosuffisance en vue

Il est tout à fait illusoire de penser que l'agriculture urbaine, avec ses micro-parcelles de quelques centaines de mètres carrés, pourrait nourrir complètement une ville, petite, moyenne ou grande. L'agriculture péri-urbaine existante elle-même n'y suffit pas. Paris affiche aujourd'hui un taux de 1,5 % d'auto-suffisance alimentaire. Si tous les espaces repérés pour l'agriculture urbaine étaient occupés, le taux pourrait atteindre entre 3 et 5 %, pas plus.
A l'échelle plus large des agglomérations, Marie Stankowiak appelle à la vigilance sur deux points :

  • L'agriculture urbaine n'a de sens que si elle est complémentaire de l'agriculture péri-urbaine ; un moyen pour les collectivités de les rapprocher est d'inclure l'agriculture urbaine dans leurs projets alimentaires territoriaux.
  • Le développement de l'agriculture en ville ne doit pas entraîner de disparition des terres agricoles en périphérie...

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  • Auteur :

    CERDD

  • Date de publication :

    Avril 2019

  • Taille du document :

    Web

  • Échelle géographique :

    Nationale

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